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jeudi 30 juin 2016

La première tombe de Louis XVI et de Marie-Antoinette, le cimetière de la Madeleine

Nous sommes le 21 Janvier 1793, Charles-Henri Samson actionne la machine. Devant le peuple en délire, il décapite la tête du roi Louis XVI. Ce sera le symbole de l’abolition de la Royauté en France.


Il brandit la tête du roi face à la foule : « Le roi est mort ! »… Nous n’entendrons pas la suite, « vive le roi » comme à l’accoutumée (phrase prononcée pour la première fois aux funérailles de Charles VIII en 1498).

Le corps du feu roi est déposé dans une charrette et transporté non loin de là, au cimetière de la Madeleine. On l'y enterre.



Quelques mois plus tard, en Octobre, c’est au tour de Marie-Antoinette de mourir sur la même place (actuelle place de la Concorde) sous le joug de la monte-à-regret (la guillotine). Son corps est alors transporté dans le cimetière où est enterré son feu mari et une centaine de gardes suisses et corps de personnes mortes pendant la Révolution Française.


Abolition de la Monarchie ? Rien n’est moins sûr. En 1814, elle est rétablie. C’est Louis XVIII, le frère de Louis XVI qui gouverne le pays.

L’emplacement du cimetière ? La chapelle expiatoire.


Elle fut construite en 1815 suite à la volonté de Sosthène de La Rochefoucauld (duc de Doudeauville). Celle-ci fut financée par Louis XVIII lui-même (le frère de Louis XVI) lui coûtant 3 million de livres, année durant laquelle il fait transporter les corps du couple royal dans la Basilique Saint-Denis avec les autres rois de France.

La chapelle, érigée en signe de commémoration, fut également un lieu de prière. Elle fut achevée en 1826.

Ce monument est un des souvenirs témoignant des heures les plus cruelles de l’histoire de notre pays.


Au-delà des premières heures de la Révolution, des problèmes liés à la mise en place d’un nouveau pouvoir, des déchirements entre les habitants de cette époque, sa présence nous rappelle les épisodes sanguinaires, barbares, synonymes de bestialité et de perte de contrôle durant les événements : la dénommée Terreur !

Vous y trouverez inscrit, le Testament de Louis XVI, celui qu’il effectua depuis sa prison (la Tour du Temple qui à présent disparue) juste avant son jugement définitif (il ne se savait pas encore condamné à mort).

Ayant un livre qui relate ses dernières écritures, je me permets de vous laisser la photographie deces écrits. Vous pourrez ainsi vous faire une idée du personnage qu'il était et du rôle qu'il a tenu dans la politique de son royaume (vous pouvez agrandir les photographies pour une lecture plus confortable) :






mardi 28 juin 2016

Météo, horloge, un beffroi exceptionnel, celui de la place du Louvre.

Vous vous promenez près du Louvre et vous apercevez deux églises côte à côte avec une sorte de tour au milieu.

A gauche, la Mairie du Ier arrondissement de Paris, à droite, l’église Saint-Germain l’Auxerrois (celle qui sonna le début de la Saint-Barthélémy).

Ce qui m’intéresse c’est cette tour étrange et ses horloges.


En réalité, ce beffroi de 38 mètres de hauteur fait partie de la mairie. Mais alors qu’est-ce que c’est ?


Il fut construit en 1858 grâce aux plans d’un certain Théodore Ballu (architecte, celui qui avait lui-même dirigé la rénovation de la Tour Saint-Jacques quelques années auparavant) établissant la tour sur 4 niveaux.

Les deux premiers niveaux ont un plan carré, les hauteurs sont égales. Les horloges se trouvent d’ailleurs au deuxième niveau.


Mais, attendez… ce ne sont pas toutes les trois des horloges !

La première, située sur la face Nord correspond à la température qui va de -40°C à +40°C.


Sur la façade Sud, on observe un baromètre.


Sur la façade centrale dirigée à l’Ouest, une horloge qui a été illustrée par les signes du zodiaque.


La seule façade non visite depuis la place du Louvre, celle de l’Est est en fait pourvue d’une tourelle qui prend naissance au deuxième étage. A l’intérieur, du deuxième étage, on accède à un escalier à vis incrusté dans cette tourelle visible depuis l’arrière du beffroi, permettant d’accéder à la plate-forme à balustrade.

Au dernier étage du campanile-beffroi ?

Des cloches… 38 !!! Cette tour fort esthétique contient 38 carillons ! On dit que c’est un des meilleurs de France, un des plus complets de l’hexagone. Elles furent installées en 1884 et restèrent en « service » jusqu’en 1975.

C’est ici, à Paris, au pied du Louvre… mais tout n’est pas raté. On peut toujours entendre le doux son de ces carillons aux gammes chromatiques diverses (trois différentes).

Venez y faire un tour, un mercredi à 13h30. Il parait que le « carillonneur », plutôt pianiste et compositeur, y réalise un concert toutes les semaines à heure régulière.

Voici la seule vidéo trouvée sur sa musique mais en vrai, l'improvisation est souvent plus belle :-)

Pour la petite histoire, ce grand-maître, roi du carillon, n’est autre que Renaud Gagneux. Il eu la chance de rencontrer Paul Nicolas (l’ancien carillonneur attitré du lieu) qui animait le lieu avec des concerts à la belle saison. Cherchant un successeur, il céda sa place à Renaud Gagneux en 1970. Le système jusqu’alors automatique, est devenu informatisé en 2000 suite à une restauration des cloches.

Basé sur des transcriptions des clavecinistes du XVIIIème siècle, il joue également en improvisant sur des musiques populaires ou des musiques écrites spécialement pour son instrument (nous en retenons les noms de Maurice Ohana et Philippe Hersant).

Il aime l’idée de partager gratuitement la musique. Les gens sont libres d’écouter et de s’installer ou de repartir tout simplement, ce système permet de n’imposer aucun choix à l’auditeur si ce n’est son propre choix. 


dimanche 26 juin 2016

Albertus Magnus, Doctor Universalis

Au XIIIème siècle, sur l’actuelle place Maubert, se tenaient des assemblées qui attiraient la foule.


Ici, Maître Albert y donnait des cours de sciences naturelles réunissant tellement de monde que la place n’était rapidement plus assez grande.

On dit d'ailleurs que le nom de cette place viendrait de son nom mal prononcé.

Maître Albert avait une grande renommée. Il cumulait des qualités exemplaires. Philosophe, cabaliste, théologien dominicain, naturaliste, chimiste, il ne croyait qu’en l’expérience de toute chose d’étudier et de faire progresser les sciences.

Une légende se propage. Maître Albert aurait reçu la pierre philosophale de la main même de Saint-Dominique (pierre qui serait capable de guérir les malades, de changer tous les métaux en métaux précieux et prolonger la vie).


Il a laissé nombre d’œuvres philosophique et aurait participé avec quelques autres, à la propagation des textes d’Aristote en Occident.

Il écrivit également des livres admirables recensant les herbes, les pierres tout en indiquant leurs vertus. Ses textes sont basés sur ses observations, ce qui rend la lecture plus compréhensible. Il y indique même de l’importance de la lumière et de la température sur les végétaux !

Surnommé le Docteur Universel, le Docteur Expert, il fut béatifié en 1622 et canonisé en 1931 sous le titre de Patron des Mineurs et des Naturalistes.

Deux ouvrages, ou devrais-je dire, deux grimoires inspirés des travaux de Maître Albert ont été écrits : le Grand Albert et le Petit Albert, deux livres culte dans les milieux occultes, pratiquant la magie noire, la sorcellerie mais également la magie naturelle et cabalistique).

jeudi 23 juin 2016

Parce que Paris est une ville qui s'occupe de perpétuer sa mémoire : Le Centenaire

Souvent, quand on se balade dans Paris, on ne s’en rend peut-être pas compte mais les cafés de quartier ont souvent des noms surprenants aux premiers abords. Méfiez-vous, souvent le nom du troquet à un rapport direct avec l’histoire de quartier.

Dans cette optique, je prendrais comme exemple Le Centenaire.


C’est un restaurant, brasserie qui fut fondé pour les 100 ans de la Révolution Française (tout comme la Tour Eiffel d’ailleurs…). Un bistrot cantine à la parisienne et dans les règles de l’art !

Contrairement à ce qu’on pourrait penser l’arbre présent en ces lieux n’a rien à voir avec le nom.


Non loin de là, la place de la République au Nord et la place de la Bastille au Sud…

mercredi 22 juin 2016

Cognacq-Jay, la naissance de la télévision

Parlons de la télévision.

J’ai retrouvé le berceau de la télévision française. Il a été créé par les Allemands !

Il existait rue de Grenelle un ancien émetteur datant de 1935 qui fut laissé à l’abandon dès 1940.

Pendant la seconde guerre mondiale, sous l’occupation en 1941, un certain Kurt Hinzmann (ancien programmateur de la télévision de Berlin) est envoyé à Paris afin de mettre au point un service radiophonique en anglais, dans le but de communiquer avec eux lors de leur future capitulation.

En 1942, il souhaite mettre en service une chaîne pour distraire les soldats allemands hospitalisés.
Pour ce faire, il a fallu trouver un émetteur suffisamment puissant et un emplacement assez proche de celui-ci… Rien de mieux que d’utiliser l’antenne de la Tour Eiffel (qu’on lui avait demandé de saboter).

Il a donc fallu trouver un endroit assez permettant à la fois d’être proche de l’émetteur et suffisamment vaste pour pouvoir y installer un studio.

Kurt Hinzmann repère un ancien dancing, le Magic-City, rue de l’université avec un ancien garage à l’arrière. Il réquisitionne également un immeuble de huit étages, une pension familiale, La familiale de l’Alma aux numéros 13 et 15 de la rue Cognacq-Jay. Non seulement le détenteur de cette pension fut exproprié en 1943, mais en plus, l’acquisition de ces trois lieux fut à la charge de l’Etat Français.

La belle affaire que voilà !


Après avoir investi les lieux, les allemands réaménagèrent l’espace. En 1943, il fait importer des téléviseurs fabriqués en Allemagne afin de les installer dans les chambres des soldats blessés hospitalisés et quelques officiers. Ils lancent ainsi la programmation de la seule chaîne disponible, 
Fernsehsender Paris, en service du 7 Mai 1943 au 12 Août 1944.

Le 17 Août 1944, les allemands partent, laissant des studios dans un parfait état de fonctionnement.

Néanmoins, ils ne furent utilisés qu’en circuit fermé pendant un an, les américains ayant interdit l’utilisation de l’émetteur de la Tour Eiffel jusqu’au 1er Octobre 1945 où la diffusion télévisuelle se met en place progressivement (1% des ménages français ont une télévision). Le lieu prend alors le nom de Centre Alfred Lelluch. La Radiodiffusion Télévision Française fut créée.


Depuis, plusieurs studios ont été aménagés permettant de mettre en place une deuxième (1963) puis une troisième chaîne de télévision (1972). L’ORTF est dissoute pour devenir la Télévision Française 1 (TF&), Antenne 2 (devenue par la suite France 2) et France 3. TV5 y installe son siège en 1984.

En 1987, TF1 se privatise et déménage en 1992 à l’achèvement de la construction de ses nouveaux locaux à Boulogne-Billancourt. France 2 s’installe avenue Montaigne en 1984 et France 3 quitte les lieux pour rejoindre la rue Varet. TV5 monde partir en 2006.

Il ne reste actuellement que des chaînes du câble, de la TNT et du satellite.

Un film, Cognacq-Jay de Laurent Heynemann (1993), illustre bien la naissance de ces studios. En voici un extrait :


Pour voir le film en entier c'est par ici.

mardi 21 juin 2016

Un trésor dans la Mouff'

Le numéro 53 de la rue Mouffetard a été témoin d’une histoire qui ferait rêver plus d’un pirate.

L’ancienne bâtisse qui était présente à cet emplacement fut démolie en 1938.

le n°53, rue Mouffetard actuel - Paris 5e arr

Lors de la démolition, un terrassier espagnol, Monsieur Flaminio Morès, oeuvrant en ce sens, donne le coup de pioche qui changea sa vie.

Un jour, lors de son travail habituel, il est chargé de démolir un des murs du premier étage.  Il découvrit des sortes de médailles enveloppées dans un vulgaire papier tombèrent de la cloison.

Après s’être réparti le butin qu’ils avaient pris pour de vulgaires jetons de cuivres (que beaucoup avaient récupérer dans le but d’amuser leurs enfants), le doute s’empara de Morès.

Il prit le chemin d’une bijouterie dans le but de faire expertiser ces jetons. Il s’avéra que ces médailles étaient en définitive des pièces d’or à l’effigie du roi Louis XV datant des années 1718 à 1753…
3351 pièces d’or estimées à 16 million de francs ! Un vrai trésor !!

Ce « butin » non attendu aurait appartenu à un écuyer répondant au nom de Louis Nivelle qui exerçait les fonctions de conseiller et secrétaire du roi (qui côtoyait également les Convulsionnaires). On aurait perdu toute trace de vie de Nivelle à partir de 1757.

Joint à ce trésor, un chiffon sur lequel était inscrit qu’il léguait le tout à sa fille Anne-Louise Nivelle… décédée depuis bien longtemps.

Selon l’Article 716 du Code Civil, la propriété du Trésor appartient à celui qui le trouvera dans son propre fonds. Si le trésor est trouvé dans le fonds d'autrui, il appartient par moitié à celui qui l'a découvert et par moitié au propriétaire du fonds (avis aux amateurs de chasse au trésor et autres pratiquant de « fouilles » au détecteur de métaux).

Malgré que les ayant-droits furent retrouvés par l’Etat, l’argent fut partagé à part égale entre l’ouvrier chanceux et, non pas la famille, mais le Trésor Public (le propriétaire était la Ville de Paris).

Ce trésor fut revu pour la dernière fois dans la très prestigieuse Maison Drouot, l’hôtel des ventes pratiquant des enchères sur des « pièces » de qualité.

lundi 20 juin 2016

Le Dôme, cette brasserie chic au passé bien caché

C'est une très célèbre brasserie, la première dans les environs de Montparnasse.


Bienvenue au Dôme.

On nous raconte souvent que l'histoire de cette brasserie commence en 1905.
Soit !
Au début du XXème siècle, Paris voit beaucoup d'émigrants arriver tels que les espagnols, les italiens, les russes, ... qui se greffent à Montparnasse afin de laisser s'exprimer leur passion pour la peinture... et ils avaient raison.


Ainsi on pouvait y croiser tout d'abord Vladimir Ilitch Lénine (théoricien politique et homme d'Etat Russe) et Lev Davidovitch Bronstein dit Trotsky (révolutionnaire et homme politique russo-soviétique, qui habitait non loin de là au 46, rue Gassendi).

Bientôt, quand les artistes Montmartrois se lasseront de la Grande Butte, ils finiront par se trouver un nouveau fief, le Mont Parnasse. Au Dôme, la clientèle était également composée de ces artistes dont la bande à Modigliani qui s'y rendait fréquemment avec ses amis artistes tels que Picasso, Vlaminck, Max Jacob, Utrillo.


Lieu privilégié par les intellectuels et les étrangers, on y croisait du beau monde : Ernest Hemingway, Robert Capa, Man Ray, ... surnommés les Dômiers. Le café, lui, devint le "café anglo-américain", le premier café à Montparnasse.

Oui, mais, on omet une chose très importante : l'origine de cette brasserie.

En fait, le Dôme aurait été inauguré en 1897. A cette époque, c'était un bar aux allures de casino. On y buvait un coup et, si l'envie nous prenait de faire une partie de Poker, nous pouvions nous diriger dans l'arrière-salle.

Avant d'être un des bars les plus prestigieux de Montparnasse, c'était un endroit réputé pour ses machines à sous.

dimanche 19 juin 2016

Bonjour, Je suis Catherine Monvoisin, sorcière et empoisonneuse

En son temps, sous le règne de Louis XIV, Catherine Deshayes était une femme de grand renom.
Seulement en son temps ?

Rien n’est moins sûr…

Si je vous dis que Catherine, de son nom d’épouse Monvoisin, était surnommée La Voisin ? Et si je vous rappelle qu’elle fut une des sorcières dont le souvenir perdure encore aujourd’hui ?

Oui, La Voisin, l’empoisonneuse, vivait dans un ancien lieu-dit, encore hors des murs de Paris. Elle habitait dans un quartier tout nouvellement organisé le long de la contrescarpe de l’enceinte de Charles V portant le nom de la Villeneuse-sur-Gravois.

Elle y logeait dans une maison dotée d’une entrée principale à l’avant, donnant sur l’actuelle rue du Beauregard (on estime que sa demeure se situait sur l’emplacement des actuels numéros 23 et 25 de la rue) et d’une entrée secondaire à l’arrière, permettant d’y accéder par la rue de Lune en toute discrétion.

La Voisin recevait ses clients dans une tenue faite sur mesure. Vêtue d’une robe et d’un manteau, elle proposait différents services. Ici, vous pouviez vous faire prédire l’avenir, repartir avec un philtre d’amour, vous faire avorter ou même retourner à votre vie sans votre nouveau-né non désiré, assassiné devant vous, le faisant passer pour l’objet du démon…

Elle n’agissait pas forcément seule bien sûr. Elle aurait trafiqué les poisons découverts par un certain Exili (un Italien) avec son ami Le Sage, homme d’Eglise et la Vigoureux. Ils en faisaient une poudre qu’ils ont appelé : la poudre de succession.

Si l’on ne connaissait pas les affaires de La Voisin, celle-ci présentait ses services en se vantant de répondre à la soif des curieux, d’apaiser les âmes par des prédictions, …

Bien que le tout Paris s’y pressait (il paraitrait que Madame de Montespan, favorite du Roi, venait lui rendre visite), sa clientèle était surtout composée de femmes qui souhaitaient savoir quand leur mari serait amené à disparaitre enfin.
Elle proposait des solutions diverses et variées. Souvent, elle leur fournissait la poudre magique capable de leur faire accéder rapidement à la succession ou au remariage. Elle pratiquait les ensorcellements amoureux et les messes noires.

Les parisiens sont en effervescence. Une mort prématurée ? C’est La Voisin. Un accident brutal dont on ne trouve pas d’explication ? C’est encore La Voisin. Vous vous posez encore des questions et vous ne trouvez pas la réponse ? Mais c’est toujours La Voisin !!

Le bruit courait que La Voisin avait fait vœux d’empoisonner le roi lui-même, ce qui lui valut de nombreuses visites du lieutenant de police La Reynie.

Estampes représentant Gabriel-Nicolas de la Reynie
(par Nicolas de Larmessin)

Le roi créé une sorte de lieux que l’on pourrait appeler aujourd’hui « cellule de crise » : la Chambre Ardente (c’est un tribunal organisé de manière exceptionnelle quand la situation relève de la sécurité de l’Etat. Cette chambre existe depuis le règne de François Ier en 1535).

Lors des multiples interrogatoires dans la Chambre Ardente, La Voisin finit par dénoncer beaucoup de ses clients. Quelques-uns étaient des personnes de haute distinction, ce qui causa des incidents au sein de la grande société. On accusa, par exemple, la Marquise de Soissons d’avoir empoisonné son mari.

Et pourtant, La Voisin lutta longtemps pour ne pas parler de la favorite… Quand le roi appris la nouvelle, il n’en revenait pas. Sa maîtresse lui aurait-elle fait absorber des philtres d’amour ? Aurait-elle rendu la reine stérile ? De colère, il aurait lui-même arrêté les interrogatoires et jeté au feu les papiers incriminant la sorcière.

Après un long procès de quatorze mois, elle fut condamnée au bûcher pour sorcellerie et empoisonnement.

Le jour de son exécution, le 22 Février 1680, Madame de Sévigné était présente. Elle racontait à sa fille :
« A cinq heures on la lia ; et, avec une torche à la main, elle parut dans le tombereau, habillée de blanc : c’est une sorte d’habit pour être brûlée. Elle était fort rouge, et l’on voyait qu’elle repoussait le confesseur et le crucifix avec violence. Nous la vîmes passer à l’hôtel de Sully, madame de Chaulnes, madame de Sully, la comtesse de Fiesque et bien d’autres. A Notre-Dame, elle ne voulut jamais prononcer l’amende honorable, et à la Grève elle se défendit autant qu’elle put de sortir du tombereau : on l’en tira de force. On la mit sur le bûcher, assise et liée avec du fer ; on la couvrit de paille. Elle jura beaucoup, elle repoussa la paille cinq ou six fois ; mais enfin le feu s’augmenta, et on la perdit de vue, et ses cendres sont en l’air présentement. »

Elle fut brûlée vive sur la place de Grève (actuel parvis de l’Hôtel de Ville), à l’âge de 40 ans.

samedi 18 juin 2016

La fontaine Trogneux

Nous faisons un petit saut dans le temps pour atterrir à l’époque de Louis XV. Paris est plus petit qu’aujourd’hui mais certains quartiers se développent. C’est le cas du quartier du Faubourg Saint-Antoine. Louis XV souhaite que les nouveaux habitants puissent avoir accès à l’eau facilement.

Il met en place un plan de construction. Sur Ordonnance du roi, le maître général également contrôleur et inspecteur des bâtiments de la ville de Paris (Jean Beausire) est amené à construire cinq fontaines dans ce quartier en fort développement.

Il n’en reste actuellement que deux ayant résisté au temps. Il n’en reste que deux ayant survécu aux diverses dégradations et violences qui ont malmenées le quartier (surtout pendant la Révolution Française).

Ce sont les fontaines de la Petite-Halle et Trogneux.

Celle qui m’intéresse est la Fontaine Trogneux (ou de Charonne).

Fontaine Trogneux - Paris 11ème

Elle porterait le nom d’un ancien brasseur du coin.

La fontaine fut édifiée de 1719 à 1721 par Jean Beausire dans un style représentant parfaitement celui dit de Louis XV (mélange de néo-classicisme : un bâtiment avec des lignes droites, un fronton, … et d’un soupçon de rocaille : les ornements sur les façades et les mascarons à tête de lion, …).


Elle fut tout d’abord alimentée par la Pompe Notre-Dame.

Pompe Notre-Dame en 1857

La fontaine fut remontée entre 1806 et 1810. Elle fut dès cette époque alimentée par la Pompe à Feu de Chaillot.

Pompe à Feu de Chaillot en 1781

Elle fut restaurée en 1963 puis, plus récemment, en 2008.

Elle est classée Monument Historique depuis Septembre 1995.

Je ne peux pas partir sans vous parler de ceci :


Mon œil s’est arrêté dessus (et ma curiosité aussi). Ces lettres gravées dans la pierre sont en fait des lettres et chiffres romains correspondant à un ancien bornage de Paris effectué en 1724 par notre maître général Sieur Beausire.

On aperçoit sur une face de la fontaine : C.I (Cote I Faubourg Saint-Antoine) et sur l’autre : C.V (Cote V Rue de Charonne). Vous savez maintenant où trouver cette fontaine…

jeudi 16 juin 2016

Le Bal des Zéphyrs

Au XVIIIe siècle, l'église Saint-Sulpice était la paroisse la plus étendue et la plus peuplée de Paris. Elle comptait pas moins de six cimetières (douze à son maximum) dispersés autour d'elle et dans la capitale.

Façade Nord de l'église Saint-Sulpice - Paris

Dans la rue des aveugles (actuelle rue Saint-Sulpice), face au portail septentrional de l'Eglise, existait un cimetière, le petit cimetière ou cimetière des aveugles, qui fut le théâtre d'une histoire peu commune.

L'un des anciens cimetières de Saint-Sulpice où se déroulait le Bal des Zéphyrs
(croix bordeaux)

Alors ne le cherchez pas il n'existe plus, d'ailleurs la rue des aveugles non plus (son nom reste inscrit sur la base de la Tour Nord de l'église).

Portail septentrional - Eglise Saint-Sulpice - Paris

Tronçon de la rue Saint-Sulpice auparavant rue des aveugles

Le lieu fut désaffecté à partir de 1784 pourtant certaines personnes profitèrent de cette fermeture pour investir le cimetière alors qu'il n'était pas encore "vidé".

On y accédait par la rue des aveugles.

Son entrée paraît-il était impressionnante. Une sculpture la surmontait : une tête de mort reposait sur les ailes déployées d'une chauve souris avec comme sautoir des os et un sablier vide.

Souvenirs thermidoriens - Volume 2

De chaque côté, des pylônes portant des inscriptions en latin.
Sur celui de gauche : "Fides et pietas dixerunt" (La Foi et la Piété sont dits).
Sur celui de droite : "Hic resquiescant, beatam spem expectantes" (Ici ils reposent, en attendant la bienheureuse espérance).

(désolée pour les traductions, j'ai tenté de faire au mieux...)

Des jeunes y organisaient régulièrement un bal alors que les pierres tumulaires n'avaient pasencore été retirées).

Oui, c'était le Bal des Zéphyrs et il avait lieu dans un cimetière où les tombes n'avaient pas encore été déplacées...

Oui, les gens dansaient sur les tombes, profanant ainsi la mémoire des feus parisiens (vous parlez d'un repos pour les "habitants" du cimetière). Ils dansaient au rythme du gaboulet (instrument à vent originaire de Provence souvent joué avec un tambourin - une vidéo illustrant cet instrument) :


Le bruit courait bientôt qu'un bal était organisé dans un cimetière qui finit par arriver jusqu'aux oreilles de Bonaparte durant le Consulat. Il en ordonna la fermeture immédiate.

Mais en y réfléchissant... le début du Consulat était en l'an 1799, on peut donc imaginer que ce bal exista pendant au moins 15 ans !

mercredi 15 juin 2016

L'attentat d'Emile Henry au café Terminus

Le 12 Février 1894, une bombe explose dans le café Terminus (situé Gare Saint-Lazare) faisant 20 blessés.


Que s'est-il passé ?

Après la Commune de Paris, la ville est encore secouée.
L'entrée de la France dans l'ère industrielle permet à la vie de suivre son court.

Les parisiens se laissent emporter par un engouement pour les nouvelles techniques ; pourtant, tous les problèmes ne sont pas résolus... Rappelons que c'est l'époque de l'exode rurale (la main d'oeuvre agricole est remplacée par des machines,...) provoquant l'arrivée massive de population dans les milieux urbains. Le climat est lourd, de nombreuses lettres de menaces sont envoyées aux dirigeants, aux magistrats, aux religieux.

Je vous présente l'une de ces figures menaçantes de cette fin de siècle. Il s'appelle Emile Henry, fils de communard. C'est un jeune homme de 21 ans, intelligent et révolté.


Ce brillant étudiant, tout juste déclaré comme admissible à l'Ecole Polytechnique, est considéré comme un anarchiste.

Le 12 Février 1892, il pousse la porte du café Terminus et s'assoit.

Le café est assez chic. Il fait partie du Grand Hôtel Terminus (actuel Hilton hôtel Opéra à côté de la gare Saint-Lazare) inauguré en 1889 dans le but d'accueillir les voyageurs britanniques qui arrivaient par cette gare pour se rendre à l'Exposition Universelle de 1889.

La musique va bon train, c'est un endroit plutôt agréable. L'endroit offre la possibilité d'assister à un concert tout en se désaltérant.

Pourtant, quelques instants après s'être installé, Emile Henry fouille dans sa poche et en sort une boîte de conserve qu'il lance en direction des musiciens.

C'est en fait une bombe qui explose en pleine lancée. Il est neuf heures précise, l'explosion pulvérise les glaces, brise trois tables en marbre. Une vingtaine de personnes sont blessées...

Emile Henry prend la fuite immédiatement. Il est poursuivi par deux hommes, un garçon de café et un policier. Il est intercepté non loin de là, rue de l'Isly.



Le 27 Avril a lieu son procès.

Voici quelques explications qu'Emile Henry fourni à la justice lors de son procès :

"Les débats vous ont montré que je me reconnais l’auteur responsable de ces actes.
Ce n’est pas une défense que je veux vous présenter. [...] je ne relève que d’un seul Tribunal, moi-même [...].

Je suis anarchiste depuis peu de temps. Ce n’est guère que vers le milieu de l’année 1891 que je me suis lancé dans le mouvement révolutionnaire. Auparavant, j’avais vécu dans des milieux totalement imbus de la morale actuelle. J’avais été habitué à respecter et même à aimer les principes de patrie, de famille, d’autorité et de propriété. Mais les éducateurs de la génération actuelle oublient trop fréquemment une chose, c’est que la vie, avec ses luttes et ses déboires, avec ses injustices et ses iniquités, se charge bien, l’indiscrète, de dessiller les yeux des ignorants et de les ouvrir à la réalité. C’est ce qui m’arriva, comme il arrive à tous. On m’avait dit que cette vie était facile et largement ouverte aux intelligents et aux énergiques, et l’expérience me montra que seuls les cyniques et les rampants peuvent se faire une place au banquet. On m’avait dit que les institutions sociales étaient basées sur la justice et l’égalité, et je ne constatais autour de moi que mensonges et fourberies. Chaque jour m’enlevait une illusion. Partout où j’allais, j’étais témoin des mêmes douleurs chez les uns, des mêmes jouissances chez les autres. [...] Tout ce que je vis me révolta, et mon esprit s’attacha à la critique de l’organisation sociale.  [...] Il me suffira de dire que je devins l’ennemi d’une société que je jugeais criminelle.

 [...] 

Quelle était alors la nouvelle morale en harmonie avec les lois de la nature qui devait régénérer le vieux monde et enfanter une humanité heureuse ?
C’est à ce moment que je fus mis en relation avec quelques compagnons anarchistes, qu’aujourd’hui je considère encore comme les meilleurs que j’ai connu. Le caractère de ces hommes me séduisit tout d’abord. J’appréciais en eux une grande sincérité, une franchise absolue, un mépris profond de tous les préjugés, et je voulus connaître l’idée qui faisait des hommes si différents de tous ceux que j’avais vu jusque-là.  [...] Je devins à mon tour anarchiste.  [...] En ce moment de lutte aiguë entre la bourgeoisie et ses ennemis, je suis presque tenté de dire avec le Souvarine de Germinal : « Tous les raisonnements sur l’avenir sont criminels, parce qu’ils empêchent la destruction pure et simple et entravent la marche de la révolution. »
 [...] J’ai voulu frapper aussi fort et aussi juste que je le pouvais. 

[...] 

L’anarchiste n’était plus un homme, c’était une bête fauve que l’on traquait de toutes parts et dont toute la presse bourgeoise, esclave vile de la force, demandait sur tous les tons l’extermination. En même temps, les journaux et les brochures libertaires étaient saisis, le droit de réunion était prohibé. Mieux que cela : lorsqu’on voulait se débarrasser complètement d’un compagnon, un mouchard déposait le soir dans sa chambre un paquet contenant du tanin, disait-il, et le lendemain une perquisition avait lieu, d’après un ordre daté de l’avant-veille. On trouvait une boîte pleine de poudres suspectes, le camarade passait en jugement et récoltait 3 ans de prison.  [...] Ce n’était pas encore assez. On avait condamné à mort un homme qui n’avait tué personne, il fallait paraître courageux jusqu’au bout : on le guillotine un beau matin. 

[...]

La bombe du café Terminus est la réponse à toutes vos violations de la liberté, à vos arrestations, à vos perquisitions, à vos lois sur la presse, à vos expulsions en masse d’étrangers, à vos guillotinades. Mais pourquoi, direz-vous, aller s’attaquer à des consommateurs paisibles, qui écoutent de la musique et qui, peut-être, ne sont ni magistrats, ni députés, ni fonctionnaires ? Pourquoi ? C’est bien simple. La bourgeoisie n’a fait qu’un bloc des anarchistes. Un seul homme, Vaillant, avait lancé une bombe ; les neuf dixièmes des compagnons ne le connaissaient même pas. Cela n’y fit rien. On persécuta en masse. Tout ce qui avait quelque relation anarchiste fut traqué. Eh bien ! Puisque vous rendez ainsi tout un parti responsable des actes d’un seul homme, et que vous frappez en bloc, nous aussi, nous frappons en bloc. Devons-nous seulement nous attaquer aux députés qui font les lois contre nous, aux magistrats qui appliquent ces lois, aux policiers qui nous arrêtent ? Je ne pense pas. 

Tous les hommes ne sont que des instruments n’agissant pas en leur propre nom, leurs fonctions ont été instituées par la bourgeoisie pour sa défense ; ils ne sont pas plus coupables que les autres. Les bons bourgeois qui, sans être revêtus d’aucunes fonctions, touchent cependant les coupons de leurs obligations, qui vivent oisifs des bénéfices produits par le travail des ouvriers, ceux-là aussi doivent avoir leur part de représailles. Et non seulement eux, mais encore tous ceux qui sont satisfaits de l’ordre actuel, qui applaudissent aux actes du gouvernement et se font ses complices, ces employés à 300 et à 500 francs par mois qui haïssent le peuple plus encore que le gros bourgeois, cette masse bête et prétentieuse qui se range toujours du côté du plus fort, clientèle ordinaire du Terminus et autres grands cafés. Voilà pourquoi j’ai frappé dans le tas, sans choisir mes victimes. Il faut que la bourgeoisie comprenne que ceux qui ont souffert sont enfin las de leurs souffrances ; ils montrent les dents et frappent d’autant plus brutalement qu’on a été brutal avec eux. Ce n’est pas aux assassins qui ont fait la semaine sanglante et Fourmies de traiter les autres d’assassins. Ils n’épargnent ni femmes ni enfants bourgeois, parce que les femmes et les enfants de ceux qu’ils aiment ne sont pas épargnés non plus. Ne sont-ce pas des victimes innocentes que ces enfants qui, dans les faubourgs, se meurent lentement d’anémie, parce que le pain est rare à la maison ; ces femmes qui dans vos ateliers pâlissent et s’épuisent pour gagner quarante sous par jour, heureuses encore quand la misère ne les force pas à se prostituer ; ces vieillards dont vous avez fait des machines à produire toute leur vie, et que vous jetez à la voirie et à l’hôpital quand leurs forces sont exténuées ? Ayez au moins le courage de vos crimes, messieurs les bourgeois, et convenez que nos représailles sont grandement légitimes.

[...]

 Nous ne voulons ni gracier ni trébucher, et nous marcherons toujours en avant jusqu’à ce que la révolution, but de nos efforts, vienne enfin couronner notre œuvre en faisant le monde libre. Dans cette guerre sans pitié que nous avons déclarée à la bourgeoisie, nous ne demandons aucune pitié. Nous donnons la mort, nous saurons la subir. Aussi, c’est avec indifférence que j’attends votre verdict. Je sais que ma tête n’est pas la dernière que vous couperez ; d’autres tomberont encore, car les meurt-de-faim commencent à connaître le chemin de vos grands cafés et de vos grands restaurants Terminus et Foyot. Vous ajouterez d’autres noms à la liste sanglante de nos morts. Vous avez pendu à Chicago, décapité en Allemagne, garroté à Jerez, fusillé à Barcelone, guillotiné à Montbrison et à Paris, mais ce que vous ne pourrez jamais détruire, c’est l’anarchie. Ses racines sont trop profondes ; elle est née au sein d’une société pourrie qui se disloque, elle est une réaction violente contre l’ordre établi. Elle représente les aspirations qui viennent battre en brèche l’autorité actuelle, elle est partout, ce qui la rend insaisissable. Elle finira par vous tuer.

Voilà, messieurs les jurés, ce que j’avais à vous dire. Vous allez maintenant entendre mon avocat. Vos lois imposant à tout accusé un défenseur, ma famille a choisi Me Hornbostel. Mais ce qu’il pourra dire n’infirme en rien ce que j’ai dit. Mes déclarations sont l’expression exacte de ma pensée. Je m’y tiens intégralement."

Il fut condamné et exécuté le 21 Mai 1894, place de la Roquette.


George Clemenceau (député) est présent lors de son exécution. Pourtant d'accord dans le fait de condamner de tels actes (Emile Henry n'en était pas à son premier attentat), il était tout de même contre la peine de mort.

Il fit un récit accablant : 

"Je sens en moi l'inexprimable dégoût de cette tuerie administrative, faite sans conviction par des fonctionnaires corrects. [...] Le forfait d'Henry est d'un sauvage. L'acte de la société m'apparaît comme une basse vengeance."