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samedi 19 novembre 2016

Rue de la Hûchette - cette vieille rue tant aimée et arpentée

Aujourd'hui, je vous ai réservé une petite surprise.

Je nous ai improvisé une visite de la rue de la Hûchette, au bord de la Seine, tout près de la cathédrale Notre-Dame.


Pour cela, je dois d'abord vous raconter les origines du nom du quartier latin...

Il fut un temps, Paris n'était qu'Île de la Cité. Il fut un temps où l'enseignement se faisait dans les lieux de culte, le premier, Notre-Dame de Paris.
Il semblerait qu'une corporation d'hommes d'Eglise assura l'enseignement à partir de 1150. Ainsi, les maîtres éduquaient les élèves au coeur de la Capitale.
Quelques uns décidèrent de se détacher de cette corporation pour donner des cours non loin de là sur la Rive Gauche du fleuve, et plus exactement, sur la montagne Sainte-Geneviève (les universités poussèrent comme des champignons).
Les leçons dispensées en ce temps là étaient dans la langue pratiquée par les ecclésiastes : en latin.

Au sein du quartier latin, il y a beaucoup d'histoires à raconter... Je ne sais que choisir entre les Thermes qui ont été construites aux 1er et 2ème siècles, la rue Mouffetard (ses trésors et ses folies), les vestiges de l'enceinte de Philippe Auguste, l'église Sainte Geneviève, le Panthéon, le Collège de France, la Sorbonne et la naissance des grands lycées, Mai 68 et les pavés du boulevard Saint-Michel, les cinémas d'auteur, ....
Beaucoup d'histoires peuvent-être contées !

Je choisis de vous parler/faire visiter l'une des plus anciennes rues de la Rive Gauche...

Rue de la Hûchette
carrefour de la rue du Petit-Pont et de la rue de la Bûcherie
(Août 1944 - La résistance)


Reconnaissez-vous cette rue commerçante, pleine surtout de restaurants, de bars et de vendeurs de souvenirs ?


C'est la rue de la Hûchette. On la pense ancienne mais en réalité, elle l'est bien plus encore.
La rue existe au moins depuis le Moyen-Âge (la rue est mentionnée pour la première fois dans un document du XIIIème siècle). Son nom proviendrait d'une célèbre auberge disparue : La Hûchette d'Or.

Depuis la rue du Petit Pont, nous nous aventurons, entre un restaurant et une boutique de bijoux en argent, dans la rue de la Hûchette.

Au numéro 1 se situait la célèbre auberge la Hûchette d'Or, celle qui donna son nom à la rue. Il y eu également un cabaret se nommant le Petit-More puis l'Hôtel de Bourgogne en 1905 avant de devenir aujourd'hui un restaurant au nom de fleuriste.

Entre les numéros 2 et 4 se trouvait la ruelle de la Boucherie (où s'était établi un marché au 12eme siècle) qui changea pour l'appellation de ruelle de la Gloriette.
Elle fut supprimée au 18ème siècle, le siècle qui a vu se construire de nombreuses maisons (quelques unes sont encore en place). Imaginez ces batisses juste construites, attirant du monde dans cette rue "neuve". 
Une ambiance différente y régnait. Les rôtisseries étaient nombreuses à s'être installées, les hôtels également... La foule arpentait la rue et parmi eux, les touristes, les parisiens et surtout, ceux que l'on surnommait à l'époque les coupeurs de bourses (nos pickpockets).


C'est au numéro 4 que se situait l'ancienne Hure d'Or. La maison aurait été construite en 1729.


En continuant, à gauche, le numéro 5 est un ancien lieu de réunion.
En 1551, ici se réunissaient diverses congrégations telles que les Templiers et les Rose-Croix. Il devint à partir de 1772 une loge maçonnique à laquelle on accédait par des rues alentours pour plus de discrétion.
Sous la Révolution, Danton et les Cordeliers s'y seraient abrités. On dit même qu'un trésor aurait été caché dans la cave par les moines de l'Eglise Saint-Séverin en 1789.
Il existe également une vieille légende qui stipule qu'une sorte de mage aurait pris possession des lieux pour y organiser des réunions dans le but de prêcher la bonne parole... une "bonne parole" qui était fondée sur la nécromancie ésotérique.


Depuis 1948, c'est le Caveau de la Hûchette, une place mythique dans l'histoire parisienne du Jazz.


Au numéro 10, le fameux hôtel du Cadran Bleue, celui qui abrita Napoléon durant ses heures difficiles. Moyennant 3 francs par nuit, il y séjourna de Juillet à Octobre 1795.
Montholon écrivit :
"Je me souviens, et je puis attester que l'Empereur m'a parlé, en plusieurs circonstances, du séjour qu'il fit pendant quelques temps dans un hôtel garni : "Au Cadran bleu", rue de la Huchette, 8 ou 10, près celle du Petit-Pont, hôtel où il occupait une petite chambre au 4e ou 5e étage, ayant vue vue sur la Seine. Il la payait trois francs par semaine et je crois me rappeler que c'est le père Patrault qui lui procura ce logement." 


Au numéro 11 se situait le Bouillon de la Hûchette. Huysmans l'avait surnommé "Le café des purotins ou indigents".

Il s'appelle maintenant Il Gigolo...


En face, au numéro 12, sur votre droite, le Latin Corner, un bar qui se déplace dans la rue de la Hûchette. Initialement, le bar proposait une ambiance plus chaude et festive. A l'image de certains lieux de strip-tease, le bar proposait à ses clients d'être servis par des hommes en petite tenue, avec des boissons aux noms tous plus suggestifs les uns que les autres. C'était un bar de légende (situé je crois à l'époque au numéro 15) et même si nous sommes beaucoup à ne pas avoir eu la curiosité nécessaire pour franchir le pas de sa porte, il était toujours amusant de passer devant.
Comme vous pouvez vous en douter, ce bar a fait polémique et a fermé une première fois pour se déplacer un peu plus haut au numéro 12. J'ai trouvé un récit sur un blog vous permettant éventuellement de savoir ce qu'était le concept (attention les yeux !).

Au numéro 13, en 1684, se tenait ici le Bureau "La Lamproie". Il s'agissait d'un bureau qui s'occupait du placement des Apothicaires de la rue de l'Aiguillerie (une partie de la rue Sainte-Opportune et de la rue des Lombards proche de Châtelet. C'était une rue très commerçante et animée). Le placement partagé avec le bureau des épiciers.


Au numéro 14, était installée une ancienne mercerie "A l'Y".
On y vendait des cordonnets de haut-de-chausses.
Le nom de cette mercerie était un jeu de mot, "lie-grègues", pour rappeler que l'on y vendait des rubans qui permettaient d'attacher les culottes bouffantes.
Voici l'enseigne qui date du 18ème siècle :


Au numéro 15, l'Hôtel des Abbés de Pontigny s'y tenait en 1292 jusqu'aux années 1500 où il devint l'Hôtel de l'Ange (le meilleur de Paris). C'est en ce lieu que les ambassadeurs de l'Empereur Maximilien vinrent à la rencontre de Louis XII.


Au numéro 16, on peut y voir une maison qui daterai du 18ème siècle. Elle fut la maison du communard Benjamin Flotte en 1871 (le lieu est aujourd'hui un célèbre marchand de glace).


Au numéro 18, sur votre droite, se situait un poste de police. Comme rare preuve, cette photographie du célèbrissime Brassaï :

Poste de police rue de la Hûchette
Brassaï-1930

Aujourd'hui voici ce qu'il en reste :



La magie d'internet me permet de m'interrompre momentanément pour vous montrer également un cliché du grand Eugène Atget. En se retournant, voici la vue que l'on a en 2016 :


Voici le cliché pris par Atget aux alentours de 1900 :

Angle rue Hûchette, rue Privas Paris 5ème
Eugène Atget - vers 1900

En continuant, au numéro 21 sur votre gauche, on peut y voir une autre maison qui aurait été construite au 18ème siècle.


Au numéro 23, on peut y voir le Théâtre de la Hûchette. Cette salle date presque de l'antiquité... J'exagère un peu car le Théâtre a ouvert ses portes en 1948.
Fait incroyable, dans ses murs, est jouée sans interruption la pièce d'Eugène Ionesco, La Cantatrice Chauve, depuis le 19 Février 1957 !
Avant d'être théâtre, ce lieu abritait le restaurant arménien Le Caucase, celui tenu par le père du grand Charles Aznavour, incontournable de la chanson française.


A droite, au numéro 28, je vous présente l'Hôtel du Mont-Blanc, un hôtel qui a accueilli beaucoup de grands artistes entre les deux guerres.


Nous nous dirigeons vers la place Saint-Michel, en passant entre le restaurant Saint-Séverin et "notre meilleur ami" Gibert Jeune, une énorme librairie classée par thème (se trouvant d'ailleurs autour de la place Saint-Michel en plusieurs endroits) où l'on peut acheter neuf, d'occasion et revendre ses livres.

19ème siècle
2016

Mais ce n'est pas tout !

On sait qu'au 16ème siècle la rue abritait également les Archives de l'Assistance Publique dans l'Hôtel de la Hûchette.
Au 18ème siècle, l'Abbé Prévost rédigeait une partie de l'histoire du Chevalier des Grieux (Manon Lescaut) dans un café de la rue.
Durant la seconde guerre mondiale, lors de la Libération de Paris le 21 Juin 1944, la rue de la Hûchette fut le témoin de violents affrontements. La rue fut barricadée.


Les façades ont été rénovées il y a quelques mois. Aux numéros 14 et 17, d'anciennes inscriptions du nom de la rue y figuraient encore il y a peu.

C'était l'histoire de la rue de la Hûchette, petite mais pleine d'histoires à raconter.


Voici quelques histoires sur la rue de la Hûchette ;-)

1 commentaire:

  1. Un grand merci pour cette jolie balade ! C'est sympa les photos comparatives des différentes époques, j'apprécie ! Bon week-end, bises :-) My

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