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samedi 24 décembre 2016

Paris, la Ville Lumière

Pourquoi Paris est-elle la Ville Lumière ?


A l’approche des fêtes de Noël et aux vues des illuminations partout dans la ville, j’ai bien envie de vous parler de Paris en tant que Ville Lumière.


Et c’est encore plus vrai en cette période de l’année.


J’illustrerai mon article avec les illuminations de cette fin d’année dans le but de vous faire voyager avec moi au cœur de Paris Noël…


Mais d’où vient cette idée de Ville Lumière ?


On peut aisément se questionner quand on a voyagé. A voir l’éclairage de certaines grandes villes mondiales comme Londres, New York City ou encore Tokyo, on peut se dire que Paris n’est pas si lumineuse qu’elle le prétend.

De plus, de récentes lois ont été votées pour respecter un peu plus l’écologie, ce qui induit une limitation de la consommation d’énergie. Ainsi, notre capitale a vu ses enseignes s’éteindre petit à petit, rendant les abords de nos rues plus sombres qu’à l’accoutumée. Les lumières se sont éteintes également sur certains de nos monuments. Ainsi un touriste venu il y a une dizaine d’années trouvera certainement Paris moins lumineuse.

Mais ce n’est pas un drame pour autant, Paris conserve sa réputation tout en prenant un peu plus soin de l’environnement, ce qui est pourrait marquer une évolution majeure.

Il paraitrait même que les majuscules sont obligatoires sur son qualificatif car Paris, Ville Lumière, est une ville unique !


(J’ai d’ailleurs une petite pensée pour la ville de Lyon, qui elle, est la Ville des Lumières)

Pour vous parler de notre capitale en ces termes, je dois vous réexpliquer succinctement l’histoire de la ville et la naissance de ses lumières.

Cependant, j’avais déjà traité son apparition avec mon article sur l’allumeur de réverbères donc je n’y reviendrais que succinctement.

Souvenez-vous, je vous expliquais que l’éclairage public fut décidé en 1318 sous le règne de Philippe V Le Long. Avant cette année, Paris comptait seulement deux éclairages !


Mais alors, comment en est-on arrivés à ce sobriquet ?

Il ne faudrait pas omettre que Paris était une jungle, un lieu bien dangereux à quiconque s’aventurait dans ses rues et ses ruelles ; surtout la nuit.

Le taux de criminalité était très élevé.

Quand on y pense, quoi de plus simple que de commettre des crimes à l’abri des regards ?

La nuit, sans éclairage, il n’y a personne pour pouvoir observer ce qu’il se passe dans les coins sombres. Les crimes les plus horribles se passaient bien souvent la nuit.


Ainsi, la décision la plus importante, celle qui changea l’histoire et la sécurité de la ville, fut prise en Mars 1667. C’est d’ailleurs la première hypothèse qui expliquerai l’origine de son appellation.
C’est grâce à Gabriel Nicolas de la Reynie, nommé lieutenant général de la police de Paris (le tout premier) par Colbert et Louis XIV. Il prit la décision de mettre en place un système d’éclairage public.

Passage Jouffroy
Photo de Julien De Heraldique Pictave

Il se chargea d’implanter des lanternes et des flambeaux à chaque coin de rue et demanda aux parisiens de disposer sur le rebord de leur fenêtre une bougie ou une lampe à huile qu’ils étaient chargés d’allumer à la nuit tombante.

Ainsi, les rues entières étaient éclairées.


La Ville Lumière serait alors née suite à cette initiative.

On pourrait également expliquer ce sobriquet par l’intervention de Philippe Lebon qui inventa l’éclairage au gaz. Malgré que cette histoire moins poétique que la première soit discutée, je me dois tout de même de la partager étant donné que beaucoup continuent de supputer de son origine via cet évènement.

Dès 1820, ce nouveau système d’éclairage rencontra un tel succès qu’en à peine 10 ans, Paris est éclairé grâce à ce nouveau système. On dit que Paris est magnifique, surtout la nuit. On dit qu’aux abords des commerces, dans les galeries et les passages, Paris scintille…

Les Londoniens, nombreux à venir visiter la capitale, la surnommèrent alors « City of Lights » que l’on a traduit par la Ville Lumière.


Je partirai bien dans l'hypothèse que Paris a eu un rayonnement tel au XVIIIè siècle avec ses Lumières, qu'il serait injuste de les oublier... Je prendrai la liberté de croire que l'on peut toujours avoir une petite pensée pour les grands penseurs de l'époque qui ont fait la Révolution de notre pays, mais ça, ce n'est qu'un avis d'une amoureuse de l'Histoire et de notre belle Capitale.

Sur ce, je vous souhaite de très bonnes fêtes.



Et comme il est dit, Paris restera toujours Paris !

mercredi 14 décembre 2016

Une maison bien cachée, la Maison aux Cornues

Promenons-nous vers Montparnasse ou devrais-je dire, sur le Mont de Parnasse.


Ici, existait une ancienne butte. Elle fut renommée par des étudiants qui venaient y déclamer des vers.
Ils appelèrent ce petit monticule ainsi en référence au Mont Parnasse (la résidence des muses dans l'histoire de la Mythologie Grecque).

A part les dénivellations que vous pouvez ressentir en faisant du vélib' dans Paris, vous ne pourrez plus vraiment vous rendre compte de ce qu'était ce mont. La butte fut aplanie durant le XVIIIème siècle.

Et ça tombe plutôt bien. Imaginez-vous justement le quartier à cette époque...

Ici, se trouvaient de vastes propriétés toutes dotées de beaux et grands jardins à la française. Dans le paysage, quelques maisons de campagnes et des maisons plus modestes.

Ici, pas de route mais des chemins sinueux et boueux. Après tout, c'était la campagne sur le Mont de Parnasse.

Les propriétés ont toutes été détruites, remplacées depuis par des immeubles souvent Haussmanniens.
Elles disparurent avec le développement constant de la capitale repoussant sa campagne toujours plus loin jusqu'à disparaître, confondant la distance entre Paris et les villages alentours (les anciens villages et la banlieue).

Je vous ai dit que les maisons avaient toutes été remplacées... Je suppose qu'il doit en rester quelques unes encore datant de cette époque. Il y en a une d'ailleurs, cachée entre deux boutiques sur le boulevard de Montparnasse.


Ici, une grille ouvrant sur un petit passage qui permet d'accéder à une demeure datant de cette période.



Le numéro 25 en est une rescapée.


On l'appelle la Maison aux Cornues.

Elle se trouvait dans un parc dont le lourd portail menait à l'ancien village de Vaugirard, par l'actuelle avenue de Vaugirard. Enfin l'avenue, voici un lapsus, c'est la rue de Vaugirard mais cette rue est tellement longue... c'est la plus longue de Paris (4,36 km).


Cette demeure fut édifiée en 1712 par Mathurin Chouanne. Un an après sa construction, c'est une certaine Catherine Bonot qui en devint la propriétaire. Ayant un francs succès, les propriétaires se succèdent : le Comte de Béthune, le Prince de Condé et Philippe de Vendôme.

Ce dernier, prieur de l'Ordre de Malte reconnu comme étant un grand libertin en son temps, s'adonnait dans cette maison à des rituels peu communs. Il tenait en ces espaces, des réunions intellectuelles ou coquines avec les grands de l'Ordre du Temple (il vivait principalement dans son hôtel particulier rue de Varenne).

A sa mort en 1727, les notaires, chargés de "débarrasser" les lieux, découvrirent une salle dédiée spécialement à ses activités d'Alchimiste. On y trouva des filtres, des fioles et des cornues (d'où le surnom de la Maison aux Cornues).
Ses expériences étaient sans doute en lien avec sa recherche de la mythique pierre philosophale.

Il est compliqué de trouver qui occupa les lieux jusqu'en 1889.


A partir de cette époque, c'est la demeure familiale du peintre et graveur Paul-Elie Ranson.
A l'étage, il installa un atelier où il recevait régulièrement la visite de ses compères les Nabis (vous savez ces peintres post-impressionnistes, un des mouvements en marge des normes académiques imposées à l'époque).
Parmi eux : Paul Sérusier, Pierre Bonnard , Maurice DenisÉdouard Vuillard, Henri-Gabriel Ibels, Félix Vallotton ...

La maison se fit appeler le Temple à partir de cette époque...




mercredi 7 décembre 2016

L'avenue Frochot, cette voie à laisser dans "sa" tranquilité

Quand on se promène dans les rues de Paris, le plus fabuleux se cache souvent derrière les portes.
Face à un bâtiment d'apparence vétuste, une grosse porte ancienne perdant sa peinture, on pense souvent à tord qu'on ne peut retirer aucune bonne expérience à s'y aventurer.
Et bien, on a le droit de se tromper... mais on a aussi le droit de pousser la porte.

Des trésors de petits jardinets ont souvent été aménagés dans des cours intérieures dont la présence nous échappe la plupart du temps.

C'est le cas de cette grosse grille verte...

Evidemment, afin de respecter la tranquillité des lieux déjà bien perturbés, je vous invite à faire le tour pour pouvoir apercevoir, depuis une autre grille, un lieu chargé d'histoire.


Ici, une voie privée.
A l'entrée, un concierge tenu de garder le lieu loin des indiscrets : l'avenue Frochot.

Contrairement à son nom, on pourrait plutôt parler de cité, ou, comme on aime à le dire, la Villa Frochot.
Une villa est une ruelle, une impasse bordée de maisons (ce que l'on appelle également hameau ou quartier privé).

Cette voie fut ouverte en 1830.

Elle porte le nom de Nicolas Frochot, préfet de Seine chargé de l'achat de terrains hors du Paris de l'époque sous la gouvernance de Napoléon 1er (il acheta des terrains pour les aménager en cimetières).

Les maisons aux numéros 1,2 et 3 dateraient du percement de l'avenue.
Les styles architecturaux sont variés. On passe du style néo-gothique au style colonial en passant par du baroque, du flamant ou encore de l'Art Nouveau.

Aujourd'hui habitée par de richissimes personnalités (acteurs, peintres,...), cette villa n'est accessible que sur invitation.

Mais nombre d'artiste y ont séjourné, habité, travaillé.

Au numéro 3, la cantatrice Régine Crespin y habita jusqu'à son décès en 2007.
Le numéro 4 aurait été habité par une salonnière du nom d'Apollonie Sabatier. Elle recevait régulièrement de la visite...
Le numéro 5 aurait vu séjourner Victor Hugo (incontestablement l'un des plus remarquables écrivains) en 1870 à son retour d'exil dans la maison appartenant à Paul Meurice romancier et dramaturge).
Au numéro 6, Henri Guinier (peintre) avait aménagé son atelier et Django Rheinhardt (guitariste, jazzman) y habitait et brûlait ses meubles en hiver pour se réchauffer.
Au numéro 7 demeurait Charles Lamoureux (violoniste et chef-d'orchestre). Le père d'Alexandre-Dumas y aurait également habité.
Au numéro 8 se trouvait la maison d'Eugène Brieux (auteur dramatique et journaliste).
Au numéro 13, Paul Merwart (peintre) avait installé son atelier.


Au numéro 15, le grand Toulouse-Lautrec (peintre) y demeurait en plus d'avoir aménagé un coin atelier... son atelier de nu.
Il semblerait qu'au numéro 16, Patrick Hernandez (auteur, compositeur et interprète) y ait écrit sa célèbre chanson "Born to be alive" en 1974-1975.
Au numéro 26 Théodore Chassériau (peintre) avait installé son atelier.

On dit également que Jules Dupré (peintre) eut son atelier en 1839 dans l'Avenue Frochot (attention, j'ai aussi lu qu'il habitait dans une rue derrière, la rue Bréda aujourd'hui la rue Henry-Monnier) ainsi que Jeanne Samary (actrice) qui servait souvent de modèle à son voisin Pierre-Auguste Renoir (peintre) qui logeait non loin de là, au 7 avenue Frochot, avec ses 3 fils.

La Rêverie - Auguste Renoir
(portrait de Jeanne Samary)

On sait que Paris est chargé d'histoires et le Manoir de Paris ne détient pas le monopole de l'horreur.

Cette avenue si tranquille a déjà fait parler d'elle dans la littérature.

Il est aisé de se souvenir des histoires de Fantômas. L'un de ses premiers méfaits connus a été réalisé dans la cité Frochot (lorsque le commissaire Juve et le journaliste Fandor s'installèrent discrètement chez le Docteur Chaleck, cité Frochot, en poste d'observation suite à l'assassinat sauvage d'une voisine).

Voici d'ailleurs une vidéo réalisée en 1913, perle du cinéma muet retraçant les histoires de Juve contre Fantômas.



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Dans les faits, il y a une maison qui a fait beaucoup parler d'elle.

L'hôtel particulier, au numéro 1, de style néo-gothique, probablement construit à l'ouverture de la voie (certains parlent même de 1823). Elle détient un petit jardinet et, comme toutes les maisons de l'avenue, une grille à l'entrée (en plus de celle à l'entrée de l'avenue).

Cette maison a une histoire et une étiquette particulière. Il paraîtrait qu'elle est hantée.

Son histoire est bien triste. Elle commence avec Victor Massé, compositeur.
A l'époque, il acquiert la maison. Atteint de la maladie de Charcot, il resta paralysé un long moment au lit avant d'y décéder en 1884.

Le directeur des Folies Bergères acquis alors la maison.
A sa mort, c'est sa femme de ménage qui hérita du numéro 1.
Quelques temps plus tard, elle fut sauvagement assassinée dans les escaliers de cette maison à coups de tisonnier. Le meurtrier ne fut jamais retrouvé (je cherche encore les archives de presse...).

Suite à cette horrible tragédie, la maison fut laissée à l'abandon pendant près de 30 ans jusqu'à ce que Sylvie Vartan décide d'acheter l'hôtel particulier à la fin des années 1970, mais n'y habita jamais vraiment. L'histoire dit qu'elle s'est enfuit de la maison en courant...

On raconte que des cris retentissent dans la maison à la nuit tombée.
Certains disent que le meurtrier n'ayant jamais été retrouvé, l'âme de la femme errerait encore dans la maison et que celle-ci crierait chaque nuit.

Suite à cette affaire, c'est Matthieu Galey, critique de théâtre, qui se risqua en 1978 à posséder ce bien qui, soit disant, porterait malheur...
Dans son journal il aurait noté qu'en achetant la maison Frochot il "Aurait l'impression de m'endetter pour acheter mon tombeau gothique"...

Visionnaire ? Superstitieux ?

Quoiqu'il en soit, après quelques années d'occupation, il tomba malade et mourut... de la maladie de Charcot (tout comme Victor Massé).

Certains y voient un étrange lien, la maison serait maléfique.

Deux vieilles soeurs y auraient habité et auraient été assassinées au gourdin !

Il semblerait aussi que Patrick de Brou de Laurière ait été conquis par la maison. Il était, aux dires de certains, adepte de magie et aurait fait exorciser sa maison par un ami curé.

A son décès, la maison fut rachetée. Les nouveaux propriétaires disent ne jamais avoir assisté à de tels phénomènes.


Pour le bien de ses habitants, merci de rester à l'extérieur :-)

mercredi 30 novembre 2016

Un amour de cochon

Quand je suis arrivée à Paris il y a quelques années, l'histoire de la Capitale était omniprésente.
Ainsi, une enseigne, le nom d'un restaurant, d'un bar, vous renseignait sur l'histoire du lieux, de la rue, de la place et du quartier.

Paris bouge, évolue. Les rues s'ouvrent, se ferment, les maisons sont détruites, construites... les lieux de rassemblement changent de noms, ferment ou s'étendent.

Mais on peut dire aussi que Paris est presque un zoo ?!

Je vous avait parlé des éléphants, des crapauds, des singes et de toutes sortes d'animaux, je m'intéresse aujourd'hui à la place d'un animal étrangement introduit dans notre société : le cochon.


Il faut savoir qu'au Moyen-Âge le cochon faisait office d'animal de compagnie.
Hé oui ! Chacun se baladait avec son porcelet dans la rue... enfin presque.
Les porcs circulaient librement, clochette au cou, dans les ruelles du Paris médiéval.

Chaque famille avait son cochon. Celui-ci était tué (le jour du cochon) juste avant la période de grand froid après avoir été bien nourri (à cette époque ils nettoyaient les rues qui étaient de vraies décharges). Ainsi la famille avait de quoi se nourrir pour l'hiver.

Jusqu'en 1131, on pouvait donc voir ces cochons circuler. Mais le 13 Octobre 1131, un de ces cochons, épris de liberté, provoqua un incident sans pareil. Il croisa la route d'un cheval qui prit peur, ce qui fit tomber son cavalier. Le cavalier mourut des suites de sa chute. Le cavalier n'était autre que le Roi de France Philippe de France (fils de Louis VI le Gros).

Depuis ce jour, un édit royal stipule qu'il est interdit de laisser circuler les cochons. Seuls les cochons des antonins purent garder cette liberté.

Il y eu certainement quelques exceptions. Au moins une en tout cas ! Il existe une histoire si saugrenue à propos d'un cochon du 5ème arrondissement, qu'il devint une légende.

Imaginez la Sorbonne un peu moins étendue. Nous remontons deux siècles et nous retrouvons dans la rue des Cordiers. La rue des Cordiers n'existe plus bien sûr, elle a été remplacée en 1892 par un agrandissement de la Sorbonne.


A la fin du Second Empire, la rue était très fréquentée, notamment par des personnalités comme Rousseau et d'autres appartenant à l'extrême gauche.

On dit qu'il y existait une taverne ou un cabaret dans cette rue. Certains disent que le lieu était situé au n°20 de l'actuelle rue Cujas. C'était la Taverne du Cochon Fidèle tenue par le père Armant.
Le nom de cette buvette était inscrit pour rappeler la légende d'un cochon célèbre.

Il existe deux versions à l'origine de l'enseigne mais une seule rentrant dans le domaine de la légende.

La première version est justement cette légende. Il s'agit d'un cochon amoureux.

En effet, quand la rue des Cordiers existait encore, un cochon qui habitait non loin de là avait pris l'habitude de s'y promener.

Un bar venait de s'installer dans la rue des Cordiers. Une demoiselle de comptoir, petite blondinette, yeux clairs, nez retroussé ("tellement retroussé qu'il pouvait y pleuvoir dedans" parait-il). On disait d'elle qu'elle était si jolie que les étudiants en droit et en médecine s'y rendaient uniquement pour la voir...

La nouvelle arrivante avait fait chavirer le coeur du cochon. Celui-ci, passait chaque jour et s'arrêtait devant le troquet. Il passait un temps fou à regarder la demoiselle par la fenêtre depuis la rue.
De temps en temps, le tenancier, touché par cet amour improbable, laissait entrer l'animal qui s'empressait de rester près du comptoir où elle se trouvait. On lui proposait même du sucre ou du pain mais il refusait dignement avant de continuer à gambader près de sa blonde.

Ce cochon était célèbre dans le quartier pour son intelligence hors du commun. Il était si exceptionnel que l'on ne pouvait plus le mettre à mort comme un vulgaire cochon. Il fut alors gracié et élevé par le charcutier du voisinage.

Pendant un an, le cochon rendait des visites à sa belle jusqu'au jour où sa vie changea. Selon les versions, elle ne revint plus jamais ou elle revint mariée. Il ne fallut pas plus d'un mois à notre cochon pour mourir de chagrin.


Selon la deuxième version, l'enseigne était à l'origine d'un tableau accroché à l'intérieur sur lequel figurait un porc buvant de la bière pendant que le maître l'abreuve au banquet.

Ce lieu était un des fiefs de la Bohème. Edgar Monteil et Paul Tailliar s'y rendaient régulièrement. Ils disaient même que c'était "le véritable musée de la Bohème" car l'ensemble des murs étaient peints par Saint-louis Arnould avec des portraits de ses amis Murger, Nerval, Hégésippe Moreau, Musset, Hugo, Sand, Gautier, ...

Pour vous donner une idée de l'atmosphère, Paul Sébillot en a parlé dans ses mémoires :
"Dans la pièce d'entrée sordide, puante et enfumée, trônait Rigolette, la patronne, dont la platine, qui ne redoutait personne, suffisait pour mettre à la raison, les buveurs de toutes catégories, même ceux qu'on n'aime pas à rencontrer le soir dans des endroits isolés".

Je vous laisse choisir la version que vous préférez pour cet endroit "presque" perdu dans les méandres de l'Histoire.

samedi 19 novembre 2016

Rue de la Hûchette - cette vieille rue tant aimée et arpentée

Aujourd'hui, je vous ai réservé une petite surprise.

Je nous ai improvisé une visite de la rue de la Hûchette, au bord de la Seine, tout près de la cathédrale Notre-Dame.


Pour cela, je dois d'abord vous raconter les origines du nom du quartier latin...

Il fut un temps, Paris n'était qu'Île de la Cité. Il fut un temps où l'enseignement se faisait dans les lieux de culte, le premier, Notre-Dame de Paris.
Il semblerait qu'une corporation d'hommes d'Eglise assura l'enseignement à partir de 1150. Ainsi, les maîtres éduquaient les élèves au coeur de la Capitale.
Quelques uns décidèrent de se détacher de cette corporation pour donner des cours non loin de là sur la Rive Gauche du fleuve, et plus exactement, sur la montagne Sainte-Geneviève (les universités poussèrent comme des champignons).
Les leçons dispensées en ce temps là étaient dans la langue pratiquée par les ecclésiastes : en latin.

Au sein du quartier latin, il y a beaucoup d'histoires à raconter... Je ne sais que choisir entre les Thermes qui ont été construites aux 1er et 2ème siècles, la rue Mouffetard (ses trésors et ses folies), les vestiges de l'enceinte de Philippe Auguste, l'église Sainte Geneviève, le Panthéon, le Collège de France, la Sorbonne et la naissance des grands lycées, Mai 68 et les pavés du boulevard Saint-Michel, les cinémas d'auteur, ....
Beaucoup d'histoires peuvent-être contées !

Je choisis de vous parler/faire visiter l'une des plus anciennes rues de la Rive Gauche...

Rue de la Hûchette
carrefour de la rue du Petit-Pont et de la rue de la Bûcherie
(Août 1944 - La résistance)


Reconnaissez-vous cette rue commerçante, pleine surtout de restaurants, de bars et de vendeurs de souvenirs ?


C'est la rue de la Hûchette. On la pense ancienne mais en réalité, elle l'est bien plus encore.
La rue existe au moins depuis le Moyen-Âge (la rue est mentionnée pour la première fois dans un document du XIIIème siècle). Son nom proviendrait d'une célèbre auberge disparue : La Hûchette d'Or.

Depuis la rue du Petit Pont, nous nous aventurons, entre un restaurant et une boutique de bijoux en argent, dans la rue de la Hûchette.

Au numéro 1 se situait la célèbre auberge la Hûchette d'Or, celle qui donna son nom à la rue. Il y eu également un cabaret se nommant le Petit-More puis l'Hôtel de Bourgogne en 1905 avant de devenir aujourd'hui un restaurant au nom de fleuriste.

Entre les numéros 2 et 4 se trouvait la ruelle de la Boucherie (où s'était établi un marché au 12eme siècle) qui changea pour l'appellation de ruelle de la Gloriette.
Elle fut supprimée au 18ème siècle, le siècle qui a vu se construire de nombreuses maisons (quelques unes sont encore en place). Imaginez ces batisses juste construites, attirant du monde dans cette rue "neuve". 
Une ambiance différente y régnait. Les rôtisseries étaient nombreuses à s'être installées, les hôtels également... La foule arpentait la rue et parmi eux, les touristes, les parisiens et surtout, ceux que l'on surnommait à l'époque les coupeurs de bourses (nos pickpockets).


C'est au numéro 4 que se situait l'ancienne Hure d'Or. La maison aurait été construite en 1729.


En continuant, à gauche, le numéro 5 est un ancien lieu de réunion.
En 1551, ici se réunissaient diverses congrégations telles que les Templiers et les Rose-Croix. Il devint à partir de 1772 une loge maçonnique à laquelle on accédait par des rues alentours pour plus de discrétion.
Sous la Révolution, Danton et les Cordeliers s'y seraient abrités. On dit même qu'un trésor aurait été caché dans la cave par les moines de l'Eglise Saint-Séverin en 1789.
Il existe également une vieille légende qui stipule qu'une sorte de mage aurait pris possession des lieux pour y organiser des réunions dans le but de prêcher la bonne parole... une "bonne parole" qui était fondée sur la nécromancie ésotérique.


Depuis 1948, c'est le Caveau de la Hûchette, une place mythique dans l'histoire parisienne du Jazz.


Au numéro 10, le fameux hôtel du Cadran Bleue, celui qui abrita Napoléon durant ses heures difficiles. Moyennant 3 francs par nuit, il y séjourna de Juillet à Octobre 1795.
Montholon écrivit :
"Je me souviens, et je puis attester que l'Empereur m'a parlé, en plusieurs circonstances, du séjour qu'il fit pendant quelques temps dans un hôtel garni : "Au Cadran bleu", rue de la Huchette, 8 ou 10, près celle du Petit-Pont, hôtel où il occupait une petite chambre au 4e ou 5e étage, ayant vue vue sur la Seine. Il la payait trois francs par semaine et je crois me rappeler que c'est le père Patrault qui lui procura ce logement." 


Au numéro 11 se situait le Bouillon de la Hûchette. Huysmans l'avait surnommé "Le café des purotins ou indigents".

Il s'appelle maintenant Il Gigolo...


En face, au numéro 12, sur votre droite, le Latin Corner, un bar qui se déplace dans la rue de la Hûchette. Initialement, le bar proposait une ambiance plus chaude et festive. A l'image de certains lieux de strip-tease, le bar proposait à ses clients d'être servis par des hommes en petite tenue, avec des boissons aux noms tous plus suggestifs les uns que les autres. C'était un bar de légende (situé je crois à l'époque au numéro 15) et même si nous sommes beaucoup à ne pas avoir eu la curiosité nécessaire pour franchir le pas de sa porte, il était toujours amusant de passer devant.
Comme vous pouvez vous en douter, ce bar a fait polémique et a fermé une première fois pour se déplacer un peu plus haut au numéro 12. J'ai trouvé un récit sur un blog vous permettant éventuellement de savoir ce qu'était le concept (attention les yeux !).

Au numéro 13, en 1684, se tenait ici le Bureau "La Lamproie". Il s'agissait d'un bureau qui s'occupait du placement des Apothicaires de la rue de l'Aiguillerie (une partie de la rue Sainte-Opportune et de la rue des Lombards proche de Châtelet. C'était une rue très commerçante et animée). Le placement partagé avec le bureau des épiciers.


Au numéro 14, était installée une ancienne mercerie "A l'Y".
On y vendait des cordonnets de haut-de-chausses.
Le nom de cette mercerie était un jeu de mot, "lie-grègues", pour rappeler que l'on y vendait des rubans qui permettaient d'attacher les culottes bouffantes.
Voici l'enseigne qui date du 18ème siècle :


Au numéro 15, l'Hôtel des Abbés de Pontigny s'y tenait en 1292 jusqu'aux années 1500 où il devint l'Hôtel de l'Ange (le meilleur de Paris). C'est en ce lieu que les ambassadeurs de l'Empereur Maximilien vinrent à la rencontre de Louis XII.


Au numéro 16, on peut y voir une maison qui daterai du 18ème siècle. Elle fut la maison du communard Benjamin Flotte en 1871 (le lieu est aujourd'hui un célèbre marchand de glace).


Au numéro 18, sur votre droite, se situait un poste de police. Comme rare preuve, cette photographie du célèbrissime Brassaï :

Poste de police rue de la Hûchette
Brassaï-1930

Aujourd'hui voici ce qu'il en reste :



La magie d'internet me permet de m'interrompre momentanément pour vous montrer également un cliché du grand Eugène Atget. En se retournant, voici la vue que l'on a en 2016 :


Voici le cliché pris par Atget aux alentours de 1900 :

Angle rue Hûchette, rue Privas Paris 5ème
Eugène Atget - vers 1900

En continuant, au numéro 21 sur votre gauche, on peut y voir une autre maison qui aurait été construite au 18ème siècle.


Au numéro 23, on peut y voir le Théâtre de la Hûchette. Cette salle date presque de l'antiquité... J'exagère un peu car le Théâtre a ouvert ses portes en 1948.
Fait incroyable, dans ses murs, est jouée sans interruption la pièce d'Eugène Ionesco, La Cantatrice Chauve, depuis le 19 Février 1957 !
Avant d'être théâtre, ce lieu abritait le restaurant arménien Le Caucase, celui tenu par le père du grand Charles Aznavour, incontournable de la chanson française.


A droite, au numéro 28, je vous présente l'Hôtel du Mont-Blanc, un hôtel qui a accueilli beaucoup de grands artistes entre les deux guerres.


Nous nous dirigeons vers la place Saint-Michel, en passant entre le restaurant Saint-Séverin et "notre meilleur ami" Gibert Jeune, une énorme librairie classée par thème (se trouvant d'ailleurs autour de la place Saint-Michel en plusieurs endroits) où l'on peut acheter neuf, d'occasion et revendre ses livres.

19ème siècle
2016

Mais ce n'est pas tout !

On sait qu'au 16ème siècle la rue abritait également les Archives de l'Assistance Publique dans l'Hôtel de la Hûchette.
Au 18ème siècle, l'Abbé Prévost rédigeait une partie de l'histoire du Chevalier des Grieux (Manon Lescaut) dans un café de la rue.
Durant la seconde guerre mondiale, lors de la Libération de Paris le 21 Juin 1944, la rue de la Hûchette fut le témoin de violents affrontements. La rue fut barricadée.


Les façades ont été rénovées il y a quelques mois. Aux numéros 14 et 17, d'anciennes inscriptions du nom de la rue y figuraient encore il y a peu.

C'était l'histoire de la rue de la Hûchette, petite mais pleine d'histoires à raconter.


Voici quelques histoires sur la rue de la Hûchette ;-)