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mercredi 27 juillet 2016

Au départ, un projet de fortification : Hugues Aubriot et la Bastille

En 1378, Paris est tout petit. Paris se dessine.

Enceinte de Charles V

Il existe plein de ruisseaux qui convergent tous vers la porte Saint-Antoine, à l’Est. A cet emplacement, est érigée la Bastille. Pour le moment, la bâtisse est composée de deux tours d’un blanc crémeux. Les deux colonnes de pierre ont été construites de manière à s’élever vertigineusement vers les nuages.

L’homme responsable de l’édifice qui faisait déplacer les foules ?

Hugues Aubriot.
 
Hugues Aubriot était capitaine de Paris, chef de la police et prévôt.
Il avait pour mission d’assurer la défense de la Capitale.

Histoire Générale de la Bastille
Fougeret - Tome 1er - Chez Gauvain Editeur
(1834)

Le roi, Charles V, lui avait confié la mission de compléter et consolider les fortifications de son mur.
Paris avait besoin d’être protégé, notamment à l’Est… Les Anglais risquaient de débarquer à Paris !

Un demi-siècle auparavant, le roi d’Angleterre Edouard III rentre en conflit avec le roi de France Philippe Iv de Valois. Edouard III souhaite s’emparer de la couronne de France. Selon lui, le royaume aurait dû lui revenir de façon légitime puisqu’il était le petit-fils de Philippe le Bel (sa mère était Isabelle de France, la fille de Philippe le Bel). Pour lui, la couronne n’aurait jamais dû se retrouver sur la tête du neveu de son grand-père (Philippe IV de Valois).

La guerre fut déclarée entre la France et l’Angleterre : la fameuse guerre de Cent Ans.

C’est donc en 1367 qu’une ordonnance émanant de Charles V (pensant avoir trouvé une solution à la misère grandissante et de plus en plus envahissante dans la capitale), obligeait tous les vagabonds, ribauds et autres mercandiers à aller travailler dans la construction des remparts et au creusement des fossés.

Malgré l’assurance d’obtenir un salaire régulier, les travailleurs étaient rares à se présenter. Le guet fut chargé de ramener toute personne miséreuse, malfaisante, vivant de la truanderie… Ceux-ci se cachaient dans les ruelles sales où personnes n’osaient s’aventurer mais également au fond des impasses dans les fouillis.

Le prévôt habitait non loin de là dans un hôtel de la rue Saint-Pol.

Le 22 Avril 1369 fut le jour de naissance de la Bastille. C’est Aubriot qui en posa la première pierre. L’homme avait de quoi être fier. Il était respecté par le roi et la plupart des habitants de la ville.


Seulement, à la mort de Charles V, ce fut le chaos à Paris. Lors de la succession, le dauphin Charles VI, n’avait que douze ans…

Une troupe de chrétiens furieux se rendit rue de la Juiverie pour manifester leur colère : « Haro sur les hérétiques ! Mort aux usuriers, tourmenteurs du Christ ! »
Définis comme les maudits, les juifs furent pillés, leurs enfants enlevés dans le but de les faire baptiser.

Aubriot, chargé de la sécurité parisienne, voyant que ses guets étaient insuffisamment nombreux, fit appel à la garde royale (le duc ne répondit pas à sa demande).

L’homme fut jugé et condamné au titre de « fauteur de la perfidie judaïque, contempteur des sacrements de l’Eglise, hérétique, croyant et dogmatisant en hérésie et méprisant de mille façons les clefs de l’Eglise ».

Le 17 Mai 1381, il fut conduit à l’échafaud dressé devant le portail nord de Notre-Dame.

Il y reconnu ses fautes à genoux devant l’évêque à qui il demanda le pardon.

La mise à mort fut oubliée et il fut condamné à la prison à vie pour faire « pénitence perpétuelle au pain de tristesse et à l’eau de douleur ».

La Bastille fut achevée pour la première fois en 1382.

Aubriot, quant à lui, fut celui qui avait interdit les jeux de hasard, la fréquentation des cabarets et des lieux de prostitution après le couvre-feu ainsi que celui qui obligea tous les parisiens à prévenir les passants lorsqu’ils vidaient leur pot de chambre… par la fenêtre.

Mais comme vous le savez, l’Histoire regorge de coups du sort.
Aubriot fut le premier prisonnier de la Bastille. Lors de son incarcération, il fut accompagné de plusieurs gardes lui permettant de passer au milieu de la foule (c’était un homme de grand prestige) afin de pénétrer dans la prison.

Vue de la Bastille et de la porte Saint-Antoine
(Jacques Rigaud - 1720)

Voici comment l’histoire de la Bastille commença… ainsi que celle d’Aubriot !

dimanche 24 juillet 2016

Le moine bourru, une légende aux origines bien tristes

Au début du XVIIème siècle, une légende urbaine vit le jour, facilitant la vie des nourrices et des parents parisiens. On arrivait enfin à faire taire les enfants trop agités et à changer un « petit monstre » en véritable angelot.

Je vous présente le Moine bourru (qui n'avait pas vraiment cet air là). Selon certains, on pourrait le définir comme un fantôme qui se doit d’être craint par tout à chacun. En effet, chaque habitant prendrait le risque de se retrouver maltraité par cette âme en peine, errante dans les rues parisiennes. Certains disent même qu’il n’apparaitrait qu’entre la Toussaint et Noël.

Il portait son nom pour la représentation que l’on s’en faisait : un moine habillé d’une bourre ou buré (étoffe grossière de laine brune, lourde, rêche et robuste).

Tenue du moine bourru

Il était également connu sous le nom de Moine gris car il se déplaçait principalement la nuit en vociférant des paroles se faisant identifier comme un des « apôtres » du diable. Lors de ses balades nocturnes, il poussait des hurlements déchirants et menaçants.

Il cognait, paraît-il, aux portes des maisons jusqu’à ce qu’une pauvre âme, naïve ou non informée, lui ouvre les portes de son foyer. Il sévissait alors…

Afin de me faire comprendre, je vais me baser sur certains textes de la littérature classique française qui font intervenir le Moine bourru. On retrouve sa trace, par exemple, dans Le Pédant Joué de Savinien de Cyrano de Bergerac :
« Je délie le moine bourru aux Avents de Noël, lui commande de rouler comme un tonneau, ou traîner à minuit les chaînes dans les rues, afin de tordre le cou à ceux qui mettront la tête aux fenêtres. »

Il apparaît dans nombre d’œuvres dont celle de Dom Juan de Molière ou encore dans le célèbre roman Notre-Dame de Paris de Victor Hugo.

Même le « Petit-Mozart des Champs-Elysées » (Jacques Offenbach, compositeur et violoncelliste français d’origine allemande) s’en est inspiré directement dans la création de son opérette Le moine bourru ou les deux potrons.

Ou encore Schumann avec Le moine bourru que l'on peut écouter avec la vidéo suivante (vous comprendrez pourquoi cette mélodie est si triste) :

Schumann - Le moine bourru interprété par Knecht Reprecht

La légende évoluant, le temps participa à modifier un peu son image jusqu’à faire de lui une sorte de lutin se jouant des habitants qui leur prépare des tours de passe-passe.

Il prit également le nom de Tasteur. On le disait « à l’aise » avec les gentes dames… D’après Malherbe, le moine avait le bout de ses doigts en forme d’argots de fer avec lesquels « il fouilloit les femmes ». La rumeur précisait qu’il existait un Tasteur par quartier… de quoi effrayer les enfants et les femmes.

Certaines versions sont bien différentes.

L’une d’entre elles le porte au rang de chef d’une tribu de fantômes. On disait du moine bourru qu’il était débauché et qu’il se serait noyé dans la Grange-Batelière (un cours qui s’écoulait encore à l’époque en surface avant d’être lui aussi transformé en égout). 

Cours de la Grange-Batelière

Le moine se tenait le long de la rivière pour faire bénéficier de l’eau potable aux Lutéciens. Condamné par son excès de bonté, il serait amené à vider toute l’eau de la rivière jusqu’à l’assécher. Afin d’éviter cette catastrophe, il aurait passé un accord avec le diable l’obligeant à lui sacrifier quelques âmes chrétiennes avant que l’aube ne vienne. Pour ce faire, il se promènerait avec son groupe de fantômes pour commettre leurs crimes…

De cette légende est né un dicton parisien :

« Moine bourru dont on se moque, à Paris l’effroi des enfants, esprits bourbeux, je vous invoque ».

J’hésite à vous le dire… mais, une légende se doit d’être expliquée et j’avoue avoir été touchée par son histoire.

Il semblerait que cette légende ait pris ses origines dans la ville de Marcigny (en Saône et Loire) pour gagner peu à peu la capitale.

Il s’agirait en fait du père Fouessard (équivalent du père Fouettard ?), un moine des Récollets qui était droit et généreux (le premier Récollet de Paris date de 1603). Il avait la malchance d’être malformé, ce qui en faisait la risée des enfants à l’imagination débordante et apeurés à la vue de cet homme d’Eglise pas comme les autres ainsi qu’auprès des personnes malintentionnées.

Afin de ne pas être plus exposé aux nombreuses brimades, le moine sortait à la tombée de la nuit. Il était toujours en compagnie d’animaux à qui il s’adressait. On dit même qu’il caressait les poissons !
Ses frères et l’abbé y voyaient diablerie.

C’est une version de l’histoire qui pourrait permettre d’éclairer la naissance de cette légende qui parait tirer ses origines d’une bien triste histoire.

mercredi 20 juillet 2016

La mort d'Henri II

Nous sommes le 30 Juin 1559 en pleines festivités.

Le Roi de France est Henri II. Sa reine, Catherine de Médicis.


Ensembles, ils célèbrent un double mariage :
Leur fille Elisabeth de France se marie avec Philippe II d’Espagne et la sœur du roi, Marguerite de France épouse Philippe-Emmanuel, le duc de Savoie.

A cette occasion, 5 jours de festivités sont organisés. Le roi, ayant le goût de la fête et de ses jeux, prévoit un déroulement des plus exceptionnels. Il faudra apporter du spectacle. Lemieux sera encore un combat de joute… et le roi veut en faire partie.

Seulement, Catherine de Médicis croyant à la lecture des astres, habituée des milieux obscures, était contre cette idée. Elle avait l’intuition qu’une chose horrible allait se passer. D’ailleurs, un de ses plus proches astrologue, Luca Gaurico (Luc Gauric), lui avait confié que le roi devait éviter tout combat singulier, surtout aux alentours de sa quarante-et-unième année. Hors le roi avait 40 ans.

N’écoutant que son envie de montrer sa force et son amour à sa favorite Diane de Poitiers, il s’habille de ses couleurs noir et blanc et part combattre le capitaine de la garde écossaise, Gabriel de Lorges Comte de Montgomery.

Plan de Paris 1550 (plan de Bâle)

Devant le Palais des Tournelles, rue Saint Antoine, la joute commence.  C’est alors qu’Henri II reçoit un éclat de la lance de son adversaire dans l’œil laissant une plaie importante. Certains disent que ce fut la lance complète qui lui transperça l’œil.

Il est gravement blessé.

Le roi est transporté de toute urgence en résidence royale dans l’Hôtel des Tournelles (se situait sur le côté Nord de la Place des Vosges). On fait intervenir les meilleurs chirurgiens du royaume dont Ambroise Paré et le chirurgien du roi d’Espagne, André Vésale.

Place des Vosges

Pour être sûr de le soigner, on fait reproduire la blessure du roi sur des condamnés à mort. On teste l’efficacité des soins sur ces derniers avant de lui prodiguer les soins.

Le roi mourra après 10 jours d’agonie et dans d'atroces souffrances le 10 Juillet 1559.

dimanche 17 juillet 2016

Montmartre : des anciennes carrières ayant ses anges et ses démons

A Paris, nous savons que sous ces nombreux monts, ces nombreux parcs, ces rues, se cachent des anciennes carrières souterraines ou à ciel ouvert. Outre les Buttes Chaumont très connues pour être d’anciennes carrières de gypse (une légende non fondée perdure d’ailleurs autour de ces carrières : les gypses auraient été transportées jusqu’aux Etats-Unis pour construire la Maison Blanche de Washington DC), la Butte Montmartre sa voisine, était, elle aussi pourvue de carrières de plâtre.


(C’est d’ailleurs en partie à cause du plâtre et de sa poussière s’envolant et se déposant un peu partout sur le passage des chariottes transportant les roches, que la place face au célèbre Moulin Rouge s’appelle la Place Blanche. La farine y est également pour quelque chose…)

Seulement voilà.

On dit qu’au milieu du XVIIIème siècle, beaucoup de personnes allaient roder vers les carrières de Montmartre (qui seraient disposées, entre autres, à l’actuel emplacement de la place Saint-Pierre)… 
On y croisait des brigands, des bandits, des voyous, des hommes de mauvaise foix, des rodeurs, des vagabonds, … vous l’aurez compris, des gens que l’on dit « peu fréquentables ».

Pourtant à cette époque, un certain Sieur Delafosse était réputé dans les coins. Il attirait bon nombre de visiteurs dont de nombreuses femmes dans les carrières. Les visiteurs tous plus curieux les uns que les autres, certains complètement dérangés disait-on, se rendaient aux carrières pour invoquer et appeler le Diable. 

Carrières de Montmartre : Buttes Montmartre - Grandes Carrières dessin de Eug. Deshayes

Profitant pleinement de la crédulité de certains et du flou persistant autour des légendes urbaines, Delafosse ne trompait pas (enfin…) ses visiteurs : moyennant quelques sous, il s’aventurait avec eux pour apercevoir le Diable mais jamais ne promettait son apparition.

Carrières de gypse-plâtre de Montmartre

Montmartre avait quand même établit un certain équilibre, car Jésus, ou plutôt son tombeau, nous ferait l’honneur d’être abrité quelque part dans ces carrières… mais ça, c’est une autre histoire !

mardi 12 juillet 2016

Le cinéma Brady : un lieux qui ne transpire pas d'histoire à première vue et pourtant !

Pour les « décalés », voici un cinéma d’un autre genre.

Il existe dans les confins du Xème arrondissement, un cinéma de quartier qui va fêter son anniversaire…

C’est un cinéma particulier, dont l’affiche renouvelée toutes les deux semaines, provoque comme une certaine envie d’assister à l’une des dix séances qui nous sont proposées !

Ici, pas de dernier film à la mode, pas de cinéma « superstar » actuel.

Ici, vous y visionnez des chefs d’œuvres qui ont fait le 7ème Art (comme Géant, la Dolce Vita, ...). On y visionne également du cinéma alternatif et engagé (comme Demain) ou encore des séances de projections de films d’horreur de Série B, …

Cinéma au coeur du quartier de Château Rouge, il participait grandement à la vie de quartier.


Ouvert en 1956, il projetait tout d'abord des films plutôt communs comme du western ou du polar...

Dès 1964, le cinéma fut racheté par un homme déjà propriétaire de deux autres cinémas. Le Brady servait alors de lieu de projections "retardées" (les films avaient déjà été joués en salle un an auparavant dans ses deux autres cinémas).

Pour y accéder, on circulait entre des prostituées, des marginaux et des personnes moins fréquentables encore. Entre deux saucisses fumantes demi-cuites grâce à un réchaud posé devant l’entrée, il fallait traverser la longue file d’attente pour les toilettes (souvent synonyme de rencontres) pour accéder enfin à la caisse qui était, elle, bien moins submergée de clients.

Bien plus qu’un simple cinéma, c'était un cinéma de quartier, autrement dit, un lieu de vie. Certains allaient s’y soulager (aux petits coins par des biais que vous pouvez facilement imaginer), pendant que d’autres venaient s’y changer (des prostituées qui détenaient également un porte-manteau attitré) voire même y dormir (les sans domiciles fixes essayaient d'y trouver le sommeil) !

Mais ça ne s’arrête pas là. Le cinéma Brady était également un lieu de business pour les escrocs du coin voire un club de rencontre pour homosexuels. On disait même, dans les années 1970, que le patron était soupçonné de proxénétisme... C'était un endroit charmant dans un quartier sympa !

N’oublions pas que ce quartier était au bord du désastre au siècle dernier (tout comme Pigalle ou même Montmartre... n’oublions pas non plus nos amis Rive Gauche, St Michel n’échappant pas non plus à ce genre de « cirque »).

C'est à partir de 1972 que la direction a décidé de se démarquer en mettant en place un système de double programmation. Il n'y a pas si longtemps, on pouvait voir affichés côte-à-côte les films Harry Potter et Baise-moi.

Et oui, il y a quelques années encore, cette place était réputée pour diffuser exclusivement des films d’horreur de Série B, Z, du Fantastique et des films à caractère déviants : on l'appelait le Temple.

Sa direction fut reprise par le Cinéaste Jean-Pierre Mocky de 1994 à 2011.

Sous sa direction, Mocky fit aménager une deuxième salle pour projeter ses propres films. Beaucoup disaient que le cinéma n'était déjà plus le même à cette époque, qu'il avait perdu toute sa saveur avec ce nouveau propriétaire.

Avec son autorisation, je vous cite une brève de Monsieur Thorens (projectionniste et caissier au Brady dans les années 2000) :

"De 72 Jusqu'aux années 80 : deux panneaux peints par Publidécor (qui changeaient chaque semaine). Peintures permanentes : Guillotine peinte sur le côté, soucoupe volante, tourbillon sur la porte. Pour faire des économies la patronne (qui buvait du rosé à la caisse) commande deux panneaux avec les morts-vivants de Ossorio (photos rares de Lucas Balbo). Jean Fournier décide ensuite de garder un seul des deux panneaux (pour faire de la place aux deux supports à affiches vitrés sur les côtés). Il fait retoucher le côté gauche du panneau "Morts-vivants" par un artisan pour mettre "double programme à la place de "Brady" (Photo de Dominique Blattlin) et installe un éclairage (récupéré au Barbés Palace qui avait été fermé). En 1994, Mocky enlève les panneaux et fait apparaître l'ancienne façade d'avant 1972 avec ses motifs. Pas vu de photos entre 56 et 72 (panneau simple ? Peint ? Affiches?). En 2010, légère transformation, mais la façade reste quasi à l'identique (proche de celle d'origine)."

Son côté décalé perdure un peu avec les nombreux événements et festivals organisés.

Samedi dernier, par exemple, on pouvait assister à une séance toute particulière : The Horror Picture Show, un film qui rend un hommage parodique aux films de Série B, d’Horreur et de Science-Fiction sous forme musicale (celui-ci est l’adaptation de la Comédie Musicale The Rocky Horror Show créé à Londres en 1973 par Richard O’Brien).

Aujourd'hui, le cinéma étranger y tient une place toute aussi privilégiée. La programmation suit souvent un thème définit à l’avance.

Parole de Jacques Thorens : "C'est le seul endroit à Paris où on pouvait voir certains films d'horreur espagnols ou indonésiens."
Cet été au Brady, ce sera Eté Bollywood !


C'est un lieu chargé d'histoire qui n'en a pourtant pas l'air comme ça... Ce n’est pas rien pour un cinéma qui propose également des pièces de théâtre et qui s'adresse aussi aux enfants depuis quelques temps.

Mais cette année est une année singulière pour ce célèbre cinéma-théâtre de quartier qui fête aujourd'hui ses 60 ans !

Si vous souhaitez changer d’univers cinématographique, changer des "grosses maisons" ou revoir des classiques qui ne sont pas toujours mis en avant (qui pourtant tomberaient presque dans l’oubli injustement) c’est l’occasion d’y faire un tour.


Petit supplément :

Jacques Thorens, que j'ai cité toute à l'heure, a écrit un livre décrivant son expérience au sein du cinéma et y retrace l'histoire du Brady.

Pour les plus "flemmards" et surtout en complément d'information, France Culture lui avait accordé une interview très complète...

dimanche 10 juillet 2016

Alexis Vincent Charles Berbiguier de Terre-Neuve-du-Thym, un personnage unique en son genre

Il fut une époque où quelqu’un pensait qu’il existait de vils esprits se promenant dans les maisons.
Il fut une époque où quelqu’un pensait pouvoir les repérer et les capturer.

Ce quelqu’un ?

Alexis Vincent Charles Berbiguier de Terre-Neuve-du-Thym (1764 ou 1776 – 1851).




Il croyait véritablement que des esprits diaboliques s’introduisaient dans les foyers parisiens et provoquaient des drames tous plus affreux les uns que les autres.

Ce « Ghostbuster » des XVIIIème et XIXème siècles pensait que l’esprit malin était capable de se glisser dans chaque recoin des foyers, qu’il s’immisçait dans la vie intime des gens sans que le mari n’en soit responsable.

Mais personne n’y échappait. Pour preuve, Alexis Vincent Charles, vivant au 54 rue Mazarine, pensait que sa demeure elle-même était envahie d’êtres maléfiques.

Il décida de créer une machine capable de détecter leur présence et les suivre dans leur évolution qui portait le nom de Baquet Révélateur. Dans ce projet un peu fou (on peut le dire), il décida, après les avoir repéré, de les capturer dans… des bouteilles !

Mais l’affaire ne s’arrête pas là. Ces petits démons auraient aussi été capables de prendre possession du corps de certains membres importants de la société. Notre sorcier, captureur d’esprit certifiait que certains juges, avocats, prêtres et mêmes bourreaux étaient possédés. C’était d’ailleurs l’explication qu’il avançait pour le cas de Jeanne d’Arc : elle-même aurait été habitée par un vil esprit.

Il avouait de temps à autre user de la magie contre ses ennemis, un procédé voisin des pratiques vaudou : planter des pics dans un cœur de bœuf, jeter du souffre dans le feu….

Bien sûr convaincu des biens-faits de ses captures, il souhaitait offrir un échantillon de ses bouteilles à diverses institutions tel que le Musée d’Histoire Naturel. Tous, ont refusé son geste.

Bien qu’Alexis Vincent Charles parlait de l’existence de divers êtres maléfiques tels que succubes, incubes, lutins, … mais avait l’air d’être plutôt fixé sur les farfadets.

Inspiré par ce sujet, il écrivit un ouvrage en 3 volumes :

Roman à caractère autobiographique (analyse ici)

Grâce à lui, l’imagination populaire débordait. Beaucoup croyaient en l’existence de ces êtres démoniaques. Sa personnalité unique en son genre inspira une complainte populaire : Le Fléau des Farfadets.

Ayant été médicalement assisté par le père de la Psychothérapie, c’est un des exemples cités en Psychiatrie. Il fut traité à l’Hôpital de la Salpêtrière (en vain) par Philippe Pinel et fut reconnu comme le plus célèbre des persécutés. La structure de sa personnalité nous permet de reconnaître en lui l’archétype du fou littéraire.

Si son histoire vous intéresse, notre ami wiki, propose d’autres renseignements sur Alexis Vincent Charles Berbiguier-de-Terre-Neuve-du-Thym.

Si à tout hasard vous vous reconnaissez en ce personnage (ou si tout simplement le domaine de la psychanalyse vous intéresse), n’hésitez pas à aller visiter cet endroit.

P.S : Les on-dit murmurent qu'il confondait les farfadets et les puces !

vendredi 8 juillet 2016

La Tour-Beffroi-Horloge Avenue Rapp, un lieux plein de surprises

En me promenant dans le VIIème arrondissement, je me souviens d’une découverte assez incroyable et inattendue.

Il y a quelques années, depuis le Trocadéro, je me suis interrogée (et je le fais toujours) : « Tiens ce dôme-là, c’est quel monument ? Et ce toit ? Cette tour ? »

Mais oui, cette tour ? Déjà, une chose m’intrigue… c’est une tour ayant une forme assez inhabituelle.


Elle est disposée au milieu des bâtiments, là, toute petite, à côté de la Tour Eiffel. 


J’ai mis du temps à m’aventurer dans le VIIème arrondissement, la Tour Eiffel m’impressionnait encore beaucoup trop.

Avec la sensation de me retrouver au milieu du Monopoly, je me suis aventurée dans des rues portant le nom d’avenues. C’est un quartier très charmant où il fait bon s’y promener (surtout quand le soleil est au rendez-vous).

Arrivée dans le quartier, je cherche, je marche, je contourne les immeubles, rien… Ce ne doit pas être le bon endroit.

Avenue Bosquet et Avenue Rapp en 1900

Revenu au Trocadéro, je prends ma carte (Google n’était pas encore arrivé sur nos téléphones portables) et tente de trouver le nom d’un monument, d’une rue qui pourrait être voisine à l’emplacement de cette tour…

Toujours rien…

Arrivée chez moi, je recherche sur mon ordinateur dans Google Street View. Même chose : rien. La réponse me fut apportée par Google Earth.

Depuis, j’ai cherché à savoir ce qu’était cette tour qui ne devait être visible que depuis l’intérieur de la cour. J’avais trouvé un documentaire (aux alentours de 2010) qui expliquait ce qu’était cette tour (je m’en excuse, je n’ai pas réussi à le retrouver).


Grâce à ma curiosité, j’ai découvert que ce beffroi, flanqué d’horloges sur chacune de ses quatre faces, était en fait l’ancien siège administratif des anciens Grands Magasins du Louvre (devenu le Louvre des Antiquaires) !

Ancien siège des Grands Magasins du Louvre en 1900
 
Ceux-ci furent fondés en 1855, seulement 3 ans après le Bon Marché. Ces Grands Magasins étaient autrefois au rez-de-chaussée du Grand Hôtel du Louvre, face à la Comédie Française sur la place Colette (dite Palais-Royal pour les usagers du métro).

Se trouvaient également à proximité, des entrepôts des Grands Magasins. 

Vue sur la Cour des dépendances en 1900
à proximité du beffroi (et de la Tour Eiffel)

Lors de la construction de l’ensemble en 1860, la tour fut érigée en symbole du triomphe des Grands Magasins.

Après le départ des Grands Magasins du Louvre et de ses entrepôts, l’espace est reconstruit (à la place des entrepôts) et réaménagé (pour les bâtiments déjà existants). Il devient un lieu de vie.

Le 20, avenue Rapp devient un immeuble d’habitations. Afin de pourvoir tous ces logements en eau, on restructure l’intérieur du beffroi afin d’en faire un réservoir d’eau.

Les techniques avançant, le réservoir fut bientôt inutile au voisinage.

Il fallut attendre les années 1980 pour que la tour retrouve une fonction à la hauteur de son histoire.

Lors d’un réaménagement deux étages en dessous de la tour, une architecte suisse, Monica Donati, tombe sous le charme de ce lieu quelque peu insolite pourtant laissé à l’abandon.
Elle acquiert la tour pour en faire un véritable petit coin de paradis.


Mesurant 18 m de hauteur, certains parlent d’une habitation aménagée en triplex et d’autres en quadriplex (143 m2). On y pénètre par l’ancien réservoir d’eau dont la cuve en acier fut conservée et coupée en deux.

Le bonheur des petits curieux que nous sommes, serait d’avoir la chance un jour de s’y aventurer avec autorisation… en attendant que ce jour (ne) vienne (peut-être jamais), je vous laisse découvrir ce lieu magique grâce à cet article réalisé par Le Monde.
  

Et quand on sait qu’il y a une terrasse sur le toit….

mardi 5 juillet 2016

Voici un Canal disparu et tombé dans l'oubli : le Canal de la Bièvre

Vous souvenez-vous de la Bièvre ?

Je vous en avais parlé dans mon article sur l’Ile aux Singes ou encore sur le Moulin de Croulebarbe.

Nous revoici voyageant dans le temps et l’espace… Je vous en emmène à la frontière des Vème et XIIIème arrondissements.

La Bièvre, ruisselle depuis le Sud pour se jeter dans la Seine, en passant par ces deux arrondissements (elle s’écoule toujours aujourd’hui mais par les égouts, en ce qui concerne Paris intra-muros).

Je vous présente Paris en 1552 !

Paris - Plan de Truschet et Hoyau de 1552 (dit Plan de Bâle)

C’est le meilleur plan que j’ai pu trouver de notre capitale pour illustrer mes propos, même si je souhaite vous parler d’une période encore plus lointaine.

Non loin de la Bièvre, un peu plus au nord, une abbaye s’est installée sur un flan de la montagne Sainte-Geneviève :

L'Abbaye Saint-Victor - Paris

C'est l’époque de l'émergence des universités à Paris. Les chanoines qui y résident ont bien besoin de vivre et d'avoir un petit pécule. Pour ce faire, en plus des enseignements donnés dans l'abbaye, ils acquièrent un Moulin. Seulement ils se trouvent bien embêtés, pour vivre, il leur faut de l’eau !

En 1148, l’abbé de Sainte-Geneviève leur permet d’accéder à leur demande. La Bièvre va être détournée pour les alimenter en eau.

Détournement de la Bièvre pour le Moulin et l'Abbaye Saint-Victor

C'est l'occasion de vous préciser que Paris n’a pas compté que les canaux actuels...

Lecteurs parisiens, français, de Navarre ou d'ailleurs, je suis ravie de vous présenter le canal de la Bièvre ! Il traversait l’abbaye Saint-Victor, permettant aux chanoines d’alimenter le moulin à farine et d’arroser leurs terres.

Canal de la Bièvre - Paris

Au XVIIème siècle, des odeurs épouvantables émanent de la Bièvre, devenue foyer à microbes et aidant à la propagation de maladies transformées en véritables épidémies.

Au bas de la rue des Gobelins (Marville)

Rue du Pont-aux-biches (Marville)


Le canal se vit devenir un canal semi-ouvert limitant la propagation des infections. Ces mesures n’étant pas suffisantes, on construit des barrages régulateurs et on ouvrit des puits artésiens. Au début du XIXème siècle, on commence à recouvrir la Bièvre, véritable pollution visuelle et olfactive. Les eaux sont usées, polluées. Afin d’en éviter l’infiltration dans les sols et la nappe, les bords de la Bièvre sont bétonnés.

En ce qui concerne l’abbaye, elle fut détruite en 1811. La plupart des moulins de Paris, eux, furent en partie détruits vers 1835.

A cet emplacement, … l’honorable Université de Jussieu, l'Institut de Physique du Globe et du Jardin des Plantes.
 
Rue Jussieu - Paris

Institut de Physique du Globe de Paris

Néanmoins, il reste vous reste une chance de visiter l'Abbaye avec cette courte vidéo vous permettant de vous renseigner un peu plus sur cette abbaye...

Bonne Visite !

Visite de l'Abbaye Saint-Victor - Paris by Le Point Culture

dimanche 3 juillet 2016

Un cimetière caché et protégé : le cimetière israélite de la Villette

En promenade sur l’avenue de Flandre dans le XIXème arrondissement de Paris, tout semble paraître ce qu’il est… sauf que quelque part sur cette avenue, au numéro 44, se situe un lieu de mémoire permettant, d’une certaine manière, de s’aventure sur l’histoire du quartier, de la France et l’histoire Juive.

Ici se situe le seul établissement religieux protégé de l’arrondissement et si vous souhaitez y pénétrer, vous aurez besoin d’en faire la demande au Consistoire de Paris et d’en obtenir son autorisation.

Au numéro 44, protégé du passage, se situe un petit cimetière de 28 sépultures (il faut savoir que les concessions sont obligatoirement perpétuelles). Il est considéré comme Monument Historique depuis 1966, et c’est peu dire !


Ce cimetière est un des plus anciens cimetières parisiens. Au gré de mes recherches, je suis tombée sur ce paragraphe qui résumera assez bien la place des Juifs en France :

« La présence des Juifs à Paris remonte aux premiers siècles de notre ère. Avant la Révolution, les Juifs connaissent persécutions et expulsions. A partir de 1791, ils sont reconnus citoyens français ».

A cette époque il était encore plus compliqué qu’aujourd’hui d’obtenir une concession pour un Juif dans un cimetière. Il faut savoir que depuis Philippe Le Bel (1268-1314), aucun cimetière n’était prévu pour les juifs (selon les traditions, les pierres tombales varient, les dispositions aussi, …).

Je nous ramène à la fin du XVIIIème siècle.

 Nous sommes à l’emplacement du futur numéro 44 de l’avenue de Flandre, près de l’ancien village de la Villette, le long de la route de Flandre. Le cimetière est là… enfin, un cimetière… officiellement c’est le jardin de l’auberge l’Etoile tenue par Camot. Les corps y sont enterrés clandestinement, c’est-à-dire de nuit et sans bruit (les duellistes, les comédiens et les suicidés étaient inhumés dans les mêmes conditions).

En 1773, un certain Matard acquiert l’auberge. Matard était équarisseur de métier. Ayant en sa possession nombre de dépouilles d’animaux, il faut les faire disparaître. Il choisit son jardin, mélangeant ainsi corps d’animaux et d’êtres humains…

Un certain Jacob Rodrigues Pereire a connaissance des « magouilles » de Matard. Tout en restant discret, il souhaite racheter ce lopin de terre afin d’en faire légalement un cimetière.
 
Jacob Rodrigues Pereire ? C’est un des hommes influents du siècle des Lumières. Il est reconnu avant tout comme le pionnier de l’éducation des sourds-muets. 


Ayant « ébloui » le roi (Louis XVI) par son admirable travail, il devient son pensionnaire et son interprète portugais. Il réussit à acheter cette parcelle et en fait officiellement un cimetière Juif portugais grâce à l’ordonnance du Lieutenant Lenoir.

Cimetière Israélite de la Villette, tous droits réservés
à Zakhor Online



Suite à la création d’une section Israélite au cimetière du Père-Lachaise en 1810, le cimetière est désaffecté. Le cimetière israélite de la Villette est une des surprises du quartier, même pour ses habitants, croyez-moi (j’ai été en totale immersion).