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dimanche 24 juillet 2016

Le moine bourru, une légende aux origines bien tristes

Au début du XVIIème siècle, une légende urbaine vit le jour, facilitant la vie des nourrices et des parents parisiens. On arrivait enfin à faire taire les enfants trop agités et à changer un « petit monstre » en véritable angelot.

Je vous présente le Moine bourru (qui n'avait pas vraiment cet air là). Selon certains, on pourrait le définir comme un fantôme qui se doit d’être craint par tout à chacun. En effet, chaque habitant prendrait le risque de se retrouver maltraité par cette âme en peine, errante dans les rues parisiennes. Certains disent même qu’il n’apparaitrait qu’entre la Toussaint et Noël.

Il portait son nom pour la représentation que l’on s’en faisait : un moine habillé d’une bourre ou buré (étoffe grossière de laine brune, lourde, rêche et robuste).

Tenue du moine bourru

Il était également connu sous le nom de Moine gris car il se déplaçait principalement la nuit en vociférant des paroles se faisant identifier comme un des « apôtres » du diable. Lors de ses balades nocturnes, il poussait des hurlements déchirants et menaçants.

Il cognait, paraît-il, aux portes des maisons jusqu’à ce qu’une pauvre âme, naïve ou non informée, lui ouvre les portes de son foyer. Il sévissait alors…

Afin de me faire comprendre, je vais me baser sur certains textes de la littérature classique française qui font intervenir le Moine bourru. On retrouve sa trace, par exemple, dans Le Pédant Joué de Savinien de Cyrano de Bergerac :
« Je délie le moine bourru aux Avents de Noël, lui commande de rouler comme un tonneau, ou traîner à minuit les chaînes dans les rues, afin de tordre le cou à ceux qui mettront la tête aux fenêtres. »

Il apparaît dans nombre d’œuvres dont celle de Dom Juan de Molière ou encore dans le célèbre roman Notre-Dame de Paris de Victor Hugo.

Même le « Petit-Mozart des Champs-Elysées » (Jacques Offenbach, compositeur et violoncelliste français d’origine allemande) s’en est inspiré directement dans la création de son opérette Le moine bourru ou les deux potrons.

Ou encore Schumann avec Le moine bourru que l'on peut écouter avec la vidéo suivante (vous comprendrez pourquoi cette mélodie est si triste) :

Schumann - Le moine bourru interprété par Knecht Reprecht

La légende évoluant, le temps participa à modifier un peu son image jusqu’à faire de lui une sorte de lutin se jouant des habitants qui leur prépare des tours de passe-passe.

Il prit également le nom de Tasteur. On le disait « à l’aise » avec les gentes dames… D’après Malherbe, le moine avait le bout de ses doigts en forme d’argots de fer avec lesquels « il fouilloit les femmes ». La rumeur précisait qu’il existait un Tasteur par quartier… de quoi effrayer les enfants et les femmes.

Certaines versions sont bien différentes.

L’une d’entre elles le porte au rang de chef d’une tribu de fantômes. On disait du moine bourru qu’il était débauché et qu’il se serait noyé dans la Grange-Batelière (un cours qui s’écoulait encore à l’époque en surface avant d’être lui aussi transformé en égout). 

Cours de la Grange-Batelière

Le moine se tenait le long de la rivière pour faire bénéficier de l’eau potable aux Lutéciens. Condamné par son excès de bonté, il serait amené à vider toute l’eau de la rivière jusqu’à l’assécher. Afin d’éviter cette catastrophe, il aurait passé un accord avec le diable l’obligeant à lui sacrifier quelques âmes chrétiennes avant que l’aube ne vienne. Pour ce faire, il se promènerait avec son groupe de fantômes pour commettre leurs crimes…

De cette légende est né un dicton parisien :

« Moine bourru dont on se moque, à Paris l’effroi des enfants, esprits bourbeux, je vous invoque ».

J’hésite à vous le dire… mais, une légende se doit d’être expliquée et j’avoue avoir été touchée par son histoire.

Il semblerait que cette légende ait pris ses origines dans la ville de Marcigny (en Saône et Loire) pour gagner peu à peu la capitale.

Il s’agirait en fait du père Fouessard (équivalent du père Fouettard ?), un moine des Récollets qui était droit et généreux (le premier Récollet de Paris date de 1603). Il avait la malchance d’être malformé, ce qui en faisait la risée des enfants à l’imagination débordante et apeurés à la vue de cet homme d’Eglise pas comme les autres ainsi qu’auprès des personnes malintentionnées.

Afin de ne pas être plus exposé aux nombreuses brimades, le moine sortait à la tombée de la nuit. Il était toujours en compagnie d’animaux à qui il s’adressait. On dit même qu’il caressait les poissons !
Ses frères et l’abbé y voyaient diablerie.

C’est une version de l’histoire qui pourrait permettre d’éclairer la naissance de cette légende qui parait tirer ses origines d’une bien triste histoire.

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