Il faut savoir que cet arrondissement, avec quelques autres situés à l'Est, est l'un des derniers à garder la trace de son histoire ouvrière.
Son ancien Canal de la Bièvre (devenu un ru-égout souterrain) parcourrait les 5ème et 13ème arrondissements, facilitant ainsi le développement des activités artisanales.
C'est ainsi que le 13ème vit s'installer au fil du temps un bon nombre d'usines et d'ateliers le long de son cours notamment des tripiers, des chiffonniers, des matelassiers, des tanneurs et même des éleveurs de sangsue.
C'est d'ailleurs pour cette raison que la très célèbre Manufacture des Gobelins s'est implantée à cette place (c'est au XVème siècle que son histoire commence, c'était un atelier de teinture).
Canal de la Bièvre |
La Bièvre, ancien bras se jetant dans la Seine, fut longtemps laissé à découvert. Il n'échappa nullement aux grands travaux d'assainissement du Baron Haussmann.
Ainsi, la partie de la Bièvre se situant dans la capitale, fut mise sous terre à partir de 1862.
En 1902, il ne restait que 540 mètres non couverts (de la rue Croulebarbe au boulevard Arago).
La dernière parcelle disparue de la surface en 1912.
Cet héritage ouvrier se retrouvait dans tout le 13ème arrondissement que l'on appelait le "faubourg souffrant".
Haussmann n'eut le temps d'achever son oeuvre, celle de transformer la ville entière. Ses travaux s'arrêtèrent à la place d'Italie, laissant le reste du 13ème en friches, ressemblant à un bidonville (d'ailleurs ce fut un mal pour un bien car la Butte aux Cailles ne serait pas celle que l'on connait aujourd'hui).
Dans ce contexte particulier, je nous emmène au beau milieu (ou presque) de la guerre 14-18.
En 1915 plus exactement. A cette époque les allemands ont gagné du terrain.
"Voici un train qui vient du Nord on aperçoit plusieurs familles qui épouvantées par le raid Allemands viennent demander l'hospitalité" Charles Lanciaux |
A l'aube où Paris risque d'être occupée par l'ennemi. Les parisiens s'affolent.
La guerre est aux portes de la capitale, à environ 10 km de là.
L'horreur frappe tout près, il faut mobiliser les soldats, protéger la cité, défendre Paris.
450 000 soldats sont tombés au combat en à peine 4 mois...
L'Etat-Major, face à l'urgence, réclame plus de munitions dans le but de faire front.
Pour ce faire, nombre d'ateliers sont réquisitionnés.
La Grande Guerre transforme petit à petit le visage de Paris qui devient de plus en plus industriel (on compte pas moins de 1 000 établissements travaillant pour la défense de la patrie).
Durant cette période, Paris est encore peuplé d'ouvriers (sauf dans le Nord-Ouest où sont regroupés la bourgeoisie et les grandes fortunes parisiennes).
Dans le Sud-Est de Paris, on réquisitionne de nombreux ateliers pour en faire de véritables usines de guerre. La plus importante, l'usine de Louis Billant (l'inventeur de la grenade percutante).
(La fabrique devait être sur la droite) |
Cet atelier de fortune fut transformé en fabrique de grenades pour les besoins de la guerre.
On y produisait plus de 30 000 grenades par jour malgré l'interdiction d'en produire autant. Mais c'était à la demande de l'Etat-Major...
Pourquoi ?
Le risque d'explosion est évident et Paris en avait déjà fait les frais... En 1794, une usine de poudrerie avait explosé à Grenelle... une explosion si violente qu'elle provoqua la mort de plus de 1 000 personnes.
La Préfecture de Police avait donc pris ses dispositions pour diminuer ce risque. Elle avait contraint les usines de fabrications d'armements et d'explosifs de limiter la quantité de produits finis au sein des usines qui devaient être impérativement transportés dans des boutiques éloignées des usines de production (les ateliers de conception étaient différents pour chaque étape de la fabrication).
Les magasins d'explosifs devaient, quant à eux, être éloignés des magasins de détonateurs... la quantité d'explosif était ainsi limitée.
Dans cet atelier situé au numéro 173 de la rue de Tolbiac, les grenades étaient récupérées deux fois par jour dans le but de laisser à l'usine "seulement" 5 000 grenades au maximum...
Nous sommes aujourd'hui le 20 Octobre 1915 à proximité de cette usine.
Il est un peu plus de 14 h quand le camion qui emmène les grenades arrive.
Les employés se précipitent, caisses dans les bras, pour les déposer à l'arrière du camion... jusqu'à cet employé qui échappe une caisse....
"Boum !"
Les pendules des maisons voisines s'arrêtent.
Il est 14 h 21.
La déflagration est impressionnante. C'est la panique.
Un quart d'heure plus tard, une nouvelle explosion mais à l'intérieur de l'atelier cette fois.
Tout explose.
Les employés (rappelons qu'à cette époque les enfants travaillaient) sont pris au piège dans la bâtisse en feu... abri de fortune fait de planches de bois.
(Gallica - BNF) |
Les dégâts sont visibles dans un rayon de 500 mètres. Il ne reste rien de la construction avec la charpente métallique juste en face de l'usine. Les arbres sont déracinés. L'Eglise Saint-Anne est endommagée par l'explosion.
Eglise Sainte-Anne en 2016 |
C'est un véritable champs de bataille.
Les pompiers se précipitent pour porter secours à ces malheureux. Le bilan est lourd...
A 18 h, on comptabilise 43 morts et près de 97 blessés. L'identification des corps s'avère compliquée.
(Pompiers de Paris) |
Il semblerait que ce jour là, l'usine contenait pas moins de 15 000 grenades.
(Gallica - BNF) |
Cette explosion marqua la fin des usines d'armements dans Paris intra-muros mais malheureusement pas la fin d'accidents dont la cause sont les explosifs...
J'ai retrouvé un article paru le lendemain du tragique accident dans le plus vieux journal parisien encore édité. Vous serez sur la bonne page... au milieu, vous trouverez l'article titré "Terrible explosion". (Source Gallica - BNF)
Des obsèques ont été données quelques mois plus tard...
France 24 avait rédigé un article en 2015, 100 ans après l'explosion.
Le 173 rue de Tolbiac est plus discret aujourd'hui :
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