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jeudi 16 mars 2017

L'un des plus vieux pont de Paris n'est pas celui qu'on croit...

A l'époque où Paris, ou devrais-je dire Lutèce, était habité par les romains, la société se concentrait essentiellement sur l'Ile de la Cité et une parcelle de la Rive Gauche de la Seine (le quartier de Saint-Michel).
Malgré ce développement au Sud du fleuve, les habitants étaient aussi contraints de se déplacer de l'autre côté de l'île pour le commerce.
C'est ainsi que les premiers ponts de Paris furent construits.

Le premier, le Petit-Pont fut renommé il y a peu, en 2013, Petit-Pont-Cardinal-Lustiger en l'honneur d'un ancien archevêque de Paris. Il fut construit dans le prolongement de l'axe Nord-Sud ou cardo-maximus constituant le squelette de Lutèce (rappelons que les romains construisaient leur cité selon les points cardinaux, en suivant un quadrillage bien précis).

Mais le pont qui m'intéresse, c'est celui qui lui fait face, celui qui permet d'accéder à la Rive Droite.


Le Grand-Pont fut nommé ainsi pour son emplacement. Il est celui qui enjambe le grand bras de la Seine depuis l'Ile. Son histoire est très intéressante et si l'on ne connaissait pas l'histoire de Paris, on ne saurait que ce pont fut l'un des plus importants de notre capitale.

On retrouve la trace de ce pont dans des anciens écrits du moine Abbon relatant le siège de Paris par les Normands en 885-886. Lors de cette attaque, le pont fut presque intégralement détruit.

Pour les besoins du commerce, le Grand Pont fut reconstruit rapidement à l'aide de planches de bois qui furent empilées les unes sur les autres tout en recouvrant les vestiges de l'ancien pont.

Lors des attaques à l'encontre de l'Ile de la Cité, fréquentes à cette période, les habitants prirent l'habitude de retirer les planches jusqu'à la moitié du fleuve vers le marais.
C'est ainsi que le pont changea de nom pour Pont des planches de Milbray.

Il fut emporté par les eaux en 1406 puis reconstruit en 1413 avec du bois. Il devint alors le Pont Notre-Dame et comprenait pas moins de 17 arches !

Rappelons qu'à cette époque, les ponts supportaient non seulement le passage mais également des boutiques et des habitations. De ce fait, la crue de 1497 fut particulièrement meurtrière puisque le pont s'écroula dans la Seine un an plus tard. Les échevins furent condamnés pour négligence.

Après s'être fait emporté par les flots plusieurs fois encore suite aux nombreuses crues, le pont fut reconstruit sous les ordres de l'architecte Giovanni Giocondo en pierre de taille à partir de 1500.
A la fin des travaux en 1512, on comptait sur celui-ci 61 maisons, toutes arborant leur propre enseigne.

" Destruction des maisons sur le pont Notre-Dame en 1786 "
Hubert Robert

Il semblerait qu'au 17ème siècle, se situaient aux extrémités du pont les statues de Louis IX, Henri IV, Louis XIII et Louis XIV.

Ce siècle fut plutôt compliqué entre les aménagements de Paris voulus par le roi Soleil et la misère persistante. Paris manquait non seulement d'instruction mais également d'eau !

La pompe de la Samaritaine, qui servait à alimenter principalement les résidences royales, ne suffisait plus.
Ainsi, en 1671, 4 ans après sa prise de fonction en tant que lieutenant général de police, chargé de l'état sanitaire, de l'hygiène et du commerce de Paris, Gabriel Nicolas de la Reynie décida d'apporter un peu plus d'eau dans Paris.
Pour ce faire, on souhaita alimenter les fontaines parisiennes avec l'eau de la Seine (les premières fontaines publiques furent installées au 13ème siècle, la plus ancienne encore présente : la Fontaine des Innocents).

Sur l'exemple de la pompe de la Samaritaine, on décida de construire une autre pompe mais cette fois-ce sur le pont Notre-Dame. C'est Daniel Jolly, directeur de la Pompe de la Samaritaine, qui proposa la solution qui sera retenue : construire une machine hydraulique sur le pont Notre-Dame.

La pompe fut installée dès 1676 au milieu du pont sur un moulin à blé.

Suite à l'acceptation du conseil au projet de Jacques Demance, une seconde ne tarda pas à y apparaître également.

Elles furent rassemblées dans un pavillon aujourd'hui disparu. Sa porte dessinée par Pierre Bullet était ornée de deux bas reliefs sculptés par Jean Goujon. Celui-ci, datant d'un autre âge arborait un médaillon de Louis XV déjà existant ainsi qu'une inscription en latin de Santeuil figurant au-dessous.

Pompe Notre-Dame vue sur l'Arche du Diable
(1857)

A elles deux, le volume d'eau avait augmenté de 80 pouces (en sachant qu'un pouce est équivalent à 13 litres d'eau soit 672 pouces cube, on peut dire que pour l'époque, les pompes devaient être considérées comme de véritables prouesses techniques).

Afin d'être plus clair, les deux machines assuraient le fonctionnement de 25 puis 29 fontaines environnantes (dont la Fontaine Trogneux que j'avais évoqué dans un précédent article).

Les pompes furent réparées en 1678, en 1708 puis en 1795. Elles furent conservées malgré les rénovations du pont avant de tomber définitivement en panne en 1786 pour l'une et détruite en 1858 pour l'autre.


Le nouveau pont qui fut construit en 1853 était trop bas. Sa faible hauteur provoqua un nombre considérable d'accident fluviaux, ce qui lui valut le sobriquet de pont du Diable.

Le pont actuel fut inauguré en 1919 sous la présidence de Raymond Poincaré. Les fondations du pont, datant de 1500 furent étudiées et conservées. Les deux arches extérieures datant de 1853 (époque Haussmannienne) furent conservées mais élargies et consolidées et l'on démolit les trois arches centrales au profit d'une seule en acier.

Pour rétablir un peu la justice on dit que le Pont-Neuf est le pont le plus vieux de Paris. Oui, c'est le plus vieux pont de Paris construit sans habitation mais le plus vieux doit sans doute être le Petit-Pont, celui qui fait écho au Pont Notre-Dame de l'autre côté de l'Ile.


2 commentaires:

  1. Qu'on ait rebaptisé ainsi le Petit-Pont me parait une hérésie !

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    1. Pour le Grand-Pont c'est une certitude... il ne mène qu'à Notre-Dame après tout.
      Belle journée à vous Chroum-Badaban

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