Seulement en son temps ?
Rien n’est moins sûr…
Si je vous dis que Catherine, de son nom d’épouse Monvoisin,
était surnommée La Voisin ? Et si je vous rappelle qu’elle fut une des
sorcières dont le souvenir perdure encore aujourd’hui ?
Oui, La Voisin, l’empoisonneuse, vivait dans un ancien
lieu-dit, encore hors des murs de Paris. Elle habitait dans un quartier tout
nouvellement organisé le long de la contrescarpe de l’enceinte de Charles V
portant le nom de la Villeneuse-sur-Gravois.
Elle y logeait dans une maison dotée d’une entrée principale
à l’avant, donnant sur l’actuelle rue du Beauregard (on estime que sa demeure se
situait sur l’emplacement des actuels numéros 23 et 25 de la rue) et d’une
entrée secondaire à l’arrière, permettant d’y accéder par la rue de Lune en
toute discrétion.
La Voisin recevait ses clients dans une tenue faite sur
mesure. Vêtue d’une robe et d’un manteau, elle proposait différents services.
Ici, vous pouviez vous faire prédire l’avenir, repartir avec un philtre d’amour,
vous faire avorter ou même retourner à votre vie sans votre nouveau-né non
désiré, assassiné devant vous, le faisant passer pour l’objet du démon…
Elle n’agissait pas forcément seule bien sûr. Elle aurait
trafiqué les poisons découverts par un certain Exili (un Italien) avec son ami
Le Sage, homme d’Eglise et la Vigoureux. Ils en faisaient une poudre qu’ils ont
appelé : la poudre de succession.
Si l’on ne connaissait pas les affaires de La Voisin,
celle-ci présentait ses services en se vantant de répondre à la soif des
curieux, d’apaiser les âmes par des prédictions, …
Bien que le tout Paris s’y pressait (il paraitrait que
Madame de Montespan, favorite du Roi, venait lui rendre visite), sa clientèle
était surtout composée de femmes qui souhaitaient savoir quand leur mari serait
amené à disparaitre enfin.
Elle proposait des solutions diverses et variées.
Souvent, elle leur fournissait la poudre magique capable de leur faire accéder
rapidement à la succession ou au remariage. Elle pratiquait les ensorcellements
amoureux et les messes noires.
Les parisiens sont en effervescence. Une mort prématurée ?
C’est La Voisin. Un accident brutal dont on ne trouve pas d’explication ?
C’est encore La Voisin. Vous vous posez encore des questions et vous ne trouvez
pas la réponse ? Mais c’est toujours La Voisin !!
Le bruit courait que La Voisin avait fait vœux d’empoisonner
le roi lui-même, ce qui lui valut de nombreuses visites du lieutenant de police
La Reynie.
Estampes représentant Gabriel-Nicolas de la Reynie (par Nicolas de Larmessin) |
Le roi créé une sorte de lieux que l’on pourrait appeler
aujourd’hui « cellule de crise » : la Chambre Ardente (c’est un
tribunal organisé de manière exceptionnelle quand la situation relève de la
sécurité de l’Etat. Cette chambre existe depuis le règne de François Ier en
1535).
Lors des multiples interrogatoires dans la Chambre Ardente, La
Voisin finit par dénoncer beaucoup de ses clients. Quelques-uns étaient des
personnes de haute distinction, ce qui causa des incidents au sein de la grande
société. On accusa, par exemple, la Marquise de Soissons d’avoir empoisonné son
mari.
Et pourtant, La Voisin lutta longtemps pour ne pas parler de
la favorite… Quand le roi appris la nouvelle, il n’en revenait pas. Sa
maîtresse lui aurait-elle fait absorber des philtres d’amour ? Aurait-elle
rendu la reine stérile ? De colère, il aurait lui-même arrêté les
interrogatoires et jeté au feu les papiers incriminant la sorcière.
Après un long procès de quatorze mois, elle fut condamnée au
bûcher pour sorcellerie et empoisonnement.
Le jour de son exécution, le 22 Février 1680, Madame de
Sévigné était présente. Elle racontait à sa fille :
« A cinq heures
on la lia ; et, avec une torche à la main, elle parut dans le tombereau,
habillée de blanc : c’est une sorte d’habit pour être brûlée. Elle était
fort rouge, et l’on voyait qu’elle repoussait le confesseur et le crucifix avec
violence. Nous la vîmes passer à l’hôtel de Sully, madame de Chaulnes, madame
de Sully, la comtesse de Fiesque et bien d’autres. A Notre-Dame, elle ne voulut
jamais prononcer l’amende honorable, et à la Grève elle se défendit autant
qu’elle put de sortir du tombereau : on l’en tira de force. On la mit sur
le bûcher, assise et liée avec du fer ; on la couvrit de paille. Elle jura
beaucoup, elle repoussa la paille cinq ou six fois ; mais enfin le feu
s’augmenta, et on la perdit de vue, et ses cendres sont en l’air présentement. »
Elle fut brûlée vive sur la place de Grève (actuel parvis de
l’Hôtel de Ville), à l’âge de 40 ans.
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